Nicola Alaimo, Rigoletto hors-norme à l'Opéra de Marseille

Xl_p1140159_photo_christian_dresse_2019_3 © Christian Dresse

C’est avec Rigoletto comme titre que s’achève la riche saison de l’Opéra de Marseille, et si la distribution réunie par Maurice Xiberras est l’une des meilleures que nous ayons entendues pour cette œuvre, on aurait cependant préféré une autre production que celle signée par le metteur en scène (marseillais) Charles Roubaud pour les Chorégies d’Orange en 2017, spectacle que notre confrère Alain Duault avait (à juste titre) égratigné à l’époque. La direction d’acteurs ne repose toujours que sur les talents plus ou moins grands des différents protagonistes, sachant que l’immense marotte - qui est l’unique élément de décor - accapare de toute façon ici tout l’espace du plateau... Le seul élément intéressant de cette régie paresseuse s’avère être les élégantes vidéos signées par Virgile Koering, et il convient donc de le nommer.

La partie vocale est en revanche un bonheur sans nuage, à commencer par le rôle-titre qui est pour Nicola Alaimo une prise de rôle. Après son éblouissant Falstaff à Monte-Carlo en début de saison, le baryton palermitain étonne une fois de plus par la beauté du timbre autant que par l’insolence des moyens, auxquelles il ajoute une extraordinaire étude psychologique du personnage, que ce soit vocalement ou scéniquement. Il est tout simplement un Rigoletto hors-norme ! De son côté, la soprano sicilienne Jessica Nuccio - déjà entendue dans le rôle de Gilda à l’Opéra Royal de Wallonie l’an passé - brosse à nouveau un portrait tout en finesse de son personnage : le phrasé délicat de « Caro nome », où les notes aiguës semblent virevolter comme des plumes légères, signale la nature encore virginale de l’héroïne. Ténor « chouchou » de la maison phocéenne (on l’a entendu, cette saison, tenir les rôles d’Alfredo en décembre et de Rodrigo dans La Donna del Lago en novembre), Enea Scala remporte à nouveau tous les suffrages avec son Duc de Mantoue (en prise de rôle), grâce à sa voix parfaitement saine, aussi puissante que vaillante, sa technique impeccable, et sa ligne de chant rigoureuse, aux phrasés toujours justes. Grand luxe que se permet la production, c’est Alexey Tikhomirov (inoubliable Boris Godounov in loco) qui endosse les habits du noir Sparafucile, auquel il prête sa basse sonore et abyssale, aux ténébreuses résonances slaves, tandis que la mezzo italienne Annunziata Vestri (également présente dans le Falstaff précité) campe une Maddalena particulièrement sensuelle, sur le plan scénique, et vocalement adéquate. Le chœur masculin, excellent comme toujours, et les comprimari, au jeu engagé (avec une mention pour le Monterone aux graves profonds de Julien Véronèse), complètent cette merveilleuse distribution.

Enfin, comme à sa bonne habitude serions-nous tentés d’écrire, l’excellent chef italien Roberto Rizzi-Brignoli - à la tête de la phalange maison - parvient à une mise en place impeccable, avec une sûreté de la conduite dramatique et un soin du détail remarquables. Il reçoit à bon escient son lot de vivats au moment de l’interminable ovation finale !

Emmanuel Andrieu

Rigoletto de Giuseppe Verdi à l’Opéra de Marseille, jusqu’au 11 juin 2019

Crédit photographique © Christian Dresse

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