Depuis que Raymond Duffaut en a repris les rênes, Les Saisons de la Voix de Gordes ont pris un nouvel essor. Le temps fort reste le « Concours International de la Mélodie », qui a lieu en novembre, tandis que les Lauréat(e)s se produisent ensuite lors du traditionnel « Concert de printemps » (en mai). Et pour le « Concert d’été » – sis dans le mirifique Théâtre des Terrasses, flanqué contre une des falaises du célèbre village provençal –, c’est la non moins célèbre et mirifique soprano italienne Patrizia Ciofi qui vient se produire, accompagnée au piano par Kira Parfeevets, que l’on connaît bien pour son double talent de coach vocal et d’accompagnatrice.
C’est une salve d’applaudissements nourris qui salue l’arrivée de la diva toscane : il faut dire qu’elle était l’une des artistes lyriques le plus souvent invitées à l’Opéra d’Avignon (du temps du mandat de Mr Duffaut) et qu’elle reste coutumière de celui de Marseille… se posant ainsi comme l’une des chanteuses préférées du public provençal. En Avignon, après une Traviata restée dans les annales du théâtre en 2001, Patrizia Ciofi est revenue moult fois dont dernièrement avec le rôle d’Ophélie (Hamlet d’Ambroise Thomas) en mai 2015 ou Maria Stuarda en janvier 2016, et à Marseille pour Falstaff (rôle d'Alice) en juin 2015, Manon en octobre de la même année ou encore I Capuleti ed i Montecchi en avril 2017. Après une délicate aria de Giuseppe Giordani (« Caro moi ben »), elle s’attaque à l’air de Susanna dans Les Noces de Figaro (« Deh vieni non tardar »)... après avoir abordé la partie de la Comtesse en mars dernier à l’Opéra de Marseille : elle n’a donc pas de mal à tirer la soubrette vers une vraie maîtresse femme ! Vivant en France depuis très longtemps, et donc familière de la langue de Molière, Ciofi est un modèle de diction, ce dont elle fait preuve dans l’air extrait de Louise de Gustave Charpentier « Depuis le jour », qu’elle livre avec tout le frémissement amoureux requis. A la partie « Je t’aime » succède le volet « A la folie », et c’est l’étourdissant air d’Ophélie qui en est le climax : on y retrouve la sensibilité et le lyrisme à fleur de peau qui caractérisent la chanteuse, et qui s'appuient sur une voix toute d'évanescence et de flexibilité. C'est un triomphe mérité qu'elle récolte à l'issue de cette fameuse scène de la folie ! La dernière partie intitulée « Pas du tout ! » permet d’entendre un des nombreux airs composés par Tosti (« Non t’amo piu ») avant que Ciofi ne délivre le fameux « Sempre libera » (extrait de La Traviata)... qui fait entendre une fatigue passagère qui la contraint à se tapoter les cordes vocales en signe complice avec le public (pour lui demander son indulgence…). Elle retrouve complétement sa forme avec, en guise de bis, la mélodie d’André Messager « J’ai deux amants… que c’est bête un homme », qui apporte une touche d’humour à la fin de soirée. Enfin, elle entonne – avec la mezzo Anne-Lise Polchlopek – la célébrissime Barcarolle de Jacques Offenbach, un duo absolument envoûtant qui n’a pas de mal à enchanter le public. Un mot sur cette mezzo qui avait assuré la première partie de soirée, avec un programme de Mélodies (et d’airs célèbres d’opéra). C’est en fait la Lauréate du dernier Concours International de la Mélodie précité, et si la voix manque encore quelque peu de nuances, avec un registre grave également peu audible, la diction est en revanche parfaite, et l’on souhaite ainsi pouvoir réentendre cette jeune chanteuse pleine de promesses.
Rendez-vous maintenant le dimanche 29 septembre, à l’Espace Simiane de Gordes, pour le « Concert d’Automne » qui mettra à l’affiche la mezzo française Violette Polchi. Puis ce sera la finale du Concours international de la Mélodie de Gordes (avec Béatrice Uria-Monzon en présidente de jury) le dimanche 3 novembre (épreuves éliminatoires les 1er et 2 novembre), et enfin le « Concert du bout de l’an » qui mettra en miroir les sopranos Mariamelle Lamagat et Jeanne Lefort (le dimanche 29 décembre). Alors... à vos agendas !
Patrizia Ciofi en récital aux Saisons de la Voix de Gordes, le 15 juillet 2019
Crédit photographique © Marie-Christine Vincent
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