Amis de longue date, Claude-Henri Bonnet avait déjà invité le facétieux René Koering – ancien « surintendant de la musique » à Montpellier dont il dirigeait à la fois l’opéra, l’orchestre et le Festival de Radio-France – pour mettre en scène un Pelléas plutôt réussi l'an passé. Avec peut-être un peu moins de bonheur, c’est au chef d’œuvre mozartien qu’est La Flûte enchantée qu’il s’attaque cette fois, livrant une lecture peu conventionnelle, et à tout le moins peu féérique. Nul élément de décor ou presque, mais trois grands panneaux qui reçoivent les vidéos imaginées par Virgile Koering, fils (mais aussi artiste de talent) de l’homme de théâtre français. Elles seront les principales satisfactions visuelles de la soirée (forêt magique, montagne rouge sacrée, cité futuriste tout en gratte-ciels, signes cabalistiques et autres figures géométriques absconses...) aux côtés des toujours sublimes éclairages de Patrick Méeüs. Pour le reste, on goûtera – ou pas – au fait que Koering transforme Tamino en Elvis Presley (la guitare électrique remplaçant ici la fameuse flûte), Monastatos en réplique de Dark Vador (toujours accompagné par trois C3PO), Sarastro en méchant de Jame Bond qui ne cesse de caresser un chat persan empaillé, tandis que les trois Dames sont en jupes de cuir et perfectos… Ca peut faire sourire comme ça peut agacer, de même que l’utilisation de trois langues différentes ici : le français pour les dialogues parlés (fortement réécrits), l’allemand pour les airs, et l’anglais pour les passages mettant en scène Sarastro…
Pleinement impliquée dans ce spectacle décalé, la distribution est de très bon niveau or deux éléments : d’abord le Tamino du ténor suisse Sascha Emanuel Kramer, à cause d’une ligne de chant désordonnée, puis son collègue britannique Colin Judson, dans le rôle de Monastatos, qui s’avère lui souvent inaudible (son improbable accoutrement n’arrangeant rien à l’affaire !). Comme à chaque spectacle où il apparaît à l’affiche, c’est le baryton argentin Armando Noguera qui attire tous les regards, pour ses remarquables dons de comédien que nous ne commenterons plus, mais aussi pour son chant qui allie à la perfection assurance et musicalité. Aigus impeccables, vocalises ciselées, la sorprano finnoise Tuuli Takala est une Reine de la Nuit tranchante, affirmée, impressionnante d’aplomb. La soprano roumaine Andreea Soare campe une Pamina moins juvénile qu’intrépide, à l’unisson de son timbre charnu, tandis que la basse italienne Antonio Di Matteo (Sarastro) fait courir le frisson le long de notre échine dès qu’il descend dans le grave. Enfin, la jeune Julie Roset (Papagena) est un régal de fraîcheur et de vivacité, quand les Trois Dames (Marion Grange, Pauline Sabatier et Mareike Jankowski) sont un modèle d’homogénéité.
Quant à l’Orchestre de l’Opéra de Toulon, il est placé sous la direction du chef australien Alexander Briger dont la lecture de la partition ne manque pas d’intérêt. Adoptant des tempi vifs, il parvient à créer une tension dramatique nécessaire en constante connivence avec le plateau, et en symbiose avec le rythme de la mise en scène.
La Flûte enchantée de W. A. Mozart à l’Opéra de Toulon (décembre 2017)
Crédit photographique © Frédéric Stéphan
04 janvier 2018 | Imprimer
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