Après avoir été étrennée il y a tout juste deux mois à l’Opéra de Lausanne, la luxueuse production de Anna Bolena de Gaetano Donizetti imaginée par Stefano Mazzonis Di Pralafera arrive dans les murs du théâtre que l’italien dirige depuis douze ans maintenant : l’Opéra Royal de Wallonie. Nous avions dit - lors des représentations lausannoises - tout le bien que nous en pensions, et nous éprouvons beaucoup de plaisir à retrouver cette « reconstitution d’époque » qu’il a expressément recherchée : « J’ai souhaité respecter les intentions du compositeur et de son librettiste, en ne perdant pas de vue l’atmosphère et le contexte historique des derniers jours et du destin tragique de Ann Boleyn ».
La distribution réunie à Liège est entièrement différente, et repose beaucoup sur les épaules du rôle-titre confié ici à la soprano russe Olga Peretyatko, même si - à l’image de sa consœur Nadine Sierra la veille dans Manon à Bordeaux - elle ne possède pas exactement l’ampleur vocale (et les notes graves) requises par sa partie. Mais sa technique sans faille, la beauté du timbre, mais aussi sa tenue en scène, lui permettent de rendre sensibles les émois de son âme torturée, et lui valent un beau triomphe personnel au moment des saluts. L’on sera moins tendre avec le Percy du ténor canarien Celso Albelo qui, s’il peut le meilleur quand il canalise ses imposants moyens, est surtout capable du pire, quand il balance - tutta forza ! - tous les contre-Ut de son rôle, ce qui est non seulement hors-propos… mais surtout du plus parfait mauvais goût !
Admirée dans I due Foscari à Marseille en 2015, la soprano ukrainienne Sofia Soloviy offre à Giovanna Seymour un chant ardent et engagé, riche de couleurs autant qu’expressif, et d’un incroyable volume sonore (les duos avec Peretyatko sont ainsi à son avantage…). Henri VIII trouve dans le chanteur croate Marko Mimica un interprète de haut vol. Doté d’une voix de basse impressionnante, homogène sur toute la tessiture, il campe un roi despotique, sans pour autant oublier les règles du chant belcantiste. Formée à l’école baroque, la mezzo italienne Francesca Ascioti incarne un Smeton passionné, même si certains aigus s’avèrent malheureux ce soir... Enfin, dans l’épisodique rôle de Sir Hervey, Maxime Melnik confirme les bonnes impressions laissées le mois dernier dans Aïda, et voilà vraiment un jeune talent à suivre de très près.
Dernier point positif de la soirée, la direction musicale du fringant directeur musical du Teatro Petruzelli de Bari, alias Giampaolo Bisanti (déjà plébiscité dans ces colonnes pour ses directions des Capuleti au Teatro Sao Carlos de Lisbonne et de La Sonnambula à l'Opéra de Lausanne), qui sait rendre expressives les formules instrumentales les plus rabâchées, en leur insufflant une vie, une vigueur, une efficacité tout simplement superbes !
Anna Bolena de Gaetano Donizetti à l’Opéra Royal de Wallonie, jusqu’au 20 avril 2019 (en direct sur MEZZO le 17 avril)
Crédit photographique © Opéra Royal de Wallonie-Liège
14 avril 2019 | Imprimer
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