Après avoir fasciné les spectateurs du Teatro Regio de Turin, de l’Opéra de Lausanne et du New Israeli Opera de Tel Aviv (les trois maisons coproductrices du spectacle), c’est à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège qu’est actuellement montée l’énigmatique production de Faust imaginée par le talentueux homme de théâtre italien Stefano Poda. Nous avions déjà vu le spectacle lors de sa reprise lausannoise, et avouons que le charme a encore mieux opéré à Liège grâce à sa plus grande largeur de scène, l’imposante scénographie basée sur le mystérieux anneau respirant ici bien mieux que dans la petite salle des bords du Léman…
Stefano Mazzonis Di Pralafera met en valeur le chant wallon dès qu’il le peut. Pour un ouvrage comme Faust, il a simplement réuni les trois meilleurs éléments actuels dans leur tessiture respective : Marc Laho dans le rôle-titre, Anne-Catherine Gillet dans celui de Marguerite et Lionel Lhote en Valentin, le rôle de Méphisto étant échu à la célèbre basse italienne Ildebrando D’Arcangelo. Le premier offre son habituel chant racé, infiniment musical et à la diction parfaite. Mais pourquoi diable a-t-il tenu à délivrer le dernier aigu de son grand air « Salut ! Demeure chaste et pure » à plein poumon - et donc en voix de poitrine -, quand tous ses collègues (ou presque) le chantent piano en voix de tête ?... Las, la voix a lâché puis est partie en tous sens, suscitant clameur et même malaise parmi le public. Dommage car la prestation de l’artiste remplit par ailleurs toutes les cases du beau chant. Sa Marguerite trouve en Anne-Catherine Gillet une artiste se situant sur les plus hautes marches du domaine lyrique, en incarnant la plus touchante, la plus bouleversante des Marguerite. De fait, elle passe avec aisance et naturel des émois de la jeune fille timide aux élans de la femme passionnée dans la scène de la chambre, pour finir en héroïne tragique dans la celle de l’église puis de la prison. Elle assure crânement ce rôle vocalement périlleux et ses (désormais) moyens de lirico font mouche dans ces deux scènes si vocalement palpitantes. Et malgré l’élargissement de l’instrument, elle n’en négocie pas moins bien les brillantes vocalises du célèbre air des bijoux après avoir ciselé - telle une véritable orfèvre - la superbe ballade du roi de Thulé.
Ildebrando D’Arcangelo, courtisé par les plus grandes scènes internationales, triomphe également grâce à sa classe d’interprète, la sobriété de son chant et son timbre caverneux. Son diable sournois, plein d’humour grinçant, ne bascule jamais cependant dans la caricature, soutenu par un chant noble et contrôlé, et une diction - en dépit de son accent italien - quasi impeccable. De son côté, Lionel Lhote confirme qu’il est l’un des (si ce n’est le…) meilleurs Valentin du moment, et offre un portrait plein de caractère de ce personnage complexe, avec un matériau vocal saisissant de maturité et d’aisance. Dame Marthe est bien croquée par la mezzo belge Angélique Noldus, à la fois pleine d’humour et très musicale, tandis que sa consœur israélienne Na’ama Goldman incarne un Siébel attendrissant et volontaire à la fois. Il faut aussi mentionner le baryton Kamil Ben Hsaïn Lachiri qui parvient à s’imposer dans les quelques répliques de Wagner, ce qui n’est pas si facile.
Enfin, en maître de cérémonie (et dernier wallon de la troupe !), Patrick Davin impose une lecture fiévreuse et vivante de la merveilleuse partition de Charles Gounod, avec des moments particulièrement inspirés, comme dans la scène de la prison ou la fameuse Nuit de Walpurgis. Quant au Chœur de l’Opéra Royal de Wallonie, admirable de cohésion et de vaillance, il mérite également les plus vives louanges. Un grand bravo à Pierre Iodice qui le prépare depuis de longues années maintenant. La longue ovation qui termine la soirée est une reconnaissance amplement méritée pour l’ensemble des artistes réunis sur scène au moment des saluts !
Faust de Charles Gounod à l’Opéra Royal de Wallonie (du 23 janvier au 2 février 2019)
Crédit photographique © Opéra Royal de Wallonie-Liège
24 janvier 2019 | Imprimer
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