L’Opéra Royal de Wallonie vient de reprendre la Lucia di Lammermoor que feu Stefano Mazzonis Di Pralafera avait mise en scène dans son théâtre wallon il y a tout juste six ans. On aurait pu espérer quelques ajustements de la part de Gianni Santucci à qui est confiée la reprise, notamment dans la direction d’acteurs, mais on n’aura droit qu'aux mêmes poses figées et stéréotypées d’alors. La scène de décapitation d’Arturo par Lucia, jugée certainement trop gore dans le contexte actuel (?), a en revanche été supprimée.
Déjà entendue dans le rôle-titre à l’Opéra Grand Avignon il y a cinq saisons de cela, la soprano tchèque Zuzana Markovà n’est pas à son meilleur en cette soirée de dernière. Après des débuts hésitants où l’aigu a du mal à se libérer (dans son air « Regnava nel silenzio »), la voix retrouve ses couleurs mais c’est un chant beaucoup plus prudent qu’elle délivre ce soir, loin des extrapolations qu’elle nous avait offertes dans la cité papale. Le vérillon (sorte d’harmonica de verre) utilisé ici pour accompagner l’air de folie de la soprano, et joué par le talentueux Sacha Reckert, parvient à lui voler la vedette pendant ce sommet de la partition. De son côté, le ténor lyonnais Julien Behr coche toutes les cases d’un Edgardo d’exception, si ce n’est une puissance vocale qui ne lui permet pas de se démarquer lors des tutti. Sinon tout y est : ligne, nuances, éloquence, beauté naturelle de la voix avec ce mélange si subtil et élégant de métal et de soie, en plus d’un jeu fougueux et plein d’ardeur qui convient au personnage. En termes d'ardeur vocale, on pouvait compter sur le baryton wallon Lionel Lhote pour ne pas en manquer (et parfois en abuser dans ce qui reste du belcanto !). Avec son instrument toujours aussi puissant et mordant, le rôle de méchant qu’est celui d’Enrico lui va ainsi comme un gant. Un peu charbonneux de timbre, la basse italienne Luca Dall’Amico n’en est pas moins un Raimondo digne, face au percutant Arturo de son compatriote Oreste Cosimo et à l’Alisa très présente de la mezzo belge Julie Bailly, tandis que Filippo Adami (Normanno) et les chœurs de l'Opéra remplissent tout aussi dignement leur contrat.
Souvent absente de la scène, l’énergie est à retrouver dans la fosse d'orchestre, où le chef italien Renato Balsadonna donne à la partition du compositeur bergamasque une ferme assise, qui n’admet aucun temps mort en maintenant la tension sans relâche, ce qui se fait parfois cependant au détriment de la respiration des délicates mélodies de Gaetano Donizetti.
Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti à l’Opéra Royal de Wallonie, le 30 novembre 2021
Crédit photographique © Jonathan Berger
01 décembre 2021 | Imprimer
Commentaires