Porté sur les fonts baptismaux en début du mois au Théâtre de l’Athénée à Paris, c’est à l’Opéra de Dijon Métropole que ce spectacle mis en scène par Alain Françon et dirigé par Vincent Dumestre poursuit sa route – l’intimité du Grand-Théâtre ayant été judicieusement préférée à l’imposant Auditorium. Notre confrère Thibault Vicq ayant assisté aux représentations parisiennes et minutieusement exposé toutes les particularités de la mouture ici retenue du chef d’œuvre de Claudio Monteverdi, nous n’y reviendrons pas. Comme lui, nous avouerons n’avoir que peu goûté à la proposition scénique d'Alain Françon, mais plus à cause de la froideur qui se dégage du travail minimaliste du régisseur français (par ailleurs dénuée de toute scénographie digne de ce nom), même s'il ne sert finalement pas si mal un livret où l’on chercherait en vain la moindre trace de grandeur humaine.
En revanche, nous différerons de point de vue quant à la prestation de la distribution réunie à Dijon, la même qu'à Paris, et qui donne leur chance aux jeunes élèves de l’Académie de l’Opéra National de Paris. A commencer par Fernando Escalona (Nerone) et Marine Chagnon (Popppea), récemment applaudis dans les deux rôles principaux de La Giuditta de Scarlatti à la Grange au Lac d’Evian. Sur la scène dijonnaise, le premier renouvelle notre enthousiasme avec ses formidables dons de comédien : sa composition d’un Nerone névropathe et narcissique est un vrai régal. La voix n’est pas en reste et son engagement vocal force le respect, surtout dans les passages de demi-teintes où le chanteur vénézuélien se montre éblouissant. Avec sa plastique royale, la deuxième rayonne dans ce mythique rôle de Poppée, en plus de posséder un très beau timbre mordoré. De son côté, la soprano Lucie Peyramaure bouleverse en Ottavia, avec une intensité dans l’accent qui fait passer le frisson. Par la stature, la noblesse d’un grain profond et velouté, le sérieux inaltérable, la basse galicienne Alejandro Balinas Vieites est d’emblée Seneca – qu’importe, dès lors, que les vocalises ne coulent pas encore de source ! De son côté, le contre-ténor français Leopold Gilloots-Laforge réitère son excellent Ottone, chaque fois plus assuré et varié dans ses inflexions. Des nombreux comprimari, l’on détachera la fraîche Drusilla de Martina Russomanno, l’impayable Arnalta de Léo Fernique, le Lucano très bien chantant de Leo Vermot Desroche ou encore la lumineuse soprano russe Kseniia Proshina dans son double emploi de Valetto et d’Amore.
A l’unisson de cette superbe équipe de jeunes talents, le chef Vincent Dumestre – à la tête de son ensemble Le Poème harmonique – offre une partie musicale d’un niveau extrêmement relevé, en tissant une broderie chatoyante à partir de la somptueuse partition du maître de Mantoue.
Le Couronnement de Poppée de Claudio Monteverdi au Grand-Théâtre de Dijon, jusqu’au 26 mars 2022
Crédit photographique © Vincent Lappartient
24 mars 2022 | Imprimer
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