Notre confrère Alain Duault avait dit tout son enthousiasme et toute son admiration pour le travail de Romeo Castellucci sur le Requiem de Mozart, porté à la scène lors de l’édition 2019 du Festival d’Aix-en-Provence. Maison coproductrice du spectacle – auprès du Festival d’Adelaïde, du Theater Basel, des Wiener Festwochen et du Palau de les Arts de Valencia –, c’est au tour du Théâtre Royal de La Monnaie de l’accueillir pour une série de dix représentations (jusqu’au 14 mai).
« Comme la mort est la véritable destination finale de notre vie, je me suis tellement familiarisé avec cette véritable et meilleure amie de l’homme que son image n’a plus rien d’effrayant pour moi mais m’apparaît même très apaisante et consolatrice ». C’est à partir de cette confidence du génie de Salzbourg que le metteur en scène italien a construit toute sa réflexion pour mettre en images cette pièce de musique sacrée qui n’a pas vocation, au départ, à l'être. La mort n’est pas ici vue et vécue comme une fin mais comme un éternel recommencement, le début de quelque chose qui renaît, et ce à l’infini. Cette idée est symbolisée par la présence d’une vieille femme sur scène, avant que la musique ne résonne, que l’on voit se coucher pour ne plus se réveiller, et qui disparaît, comme dissoute, sous ses draps. La musique peut alors s’élever, et la vieille femme est remplacée ensuite par une moins âgée, et plusieurs autres femmes jusqu’à une enfant, et même un nourrisson à la fin, célébrant le cycle de la vie pris à rebours… Parallèlement à cette action, des images vidéo seront projetées pendant tout le spectacle, montrant ou énumérant l’extinction d’espèces animales ou la disparition de civilisations – avec leur cuture, leurs traditions ou leurs monuments qui en sont le fondement. De leur côté, les chœurs – ici renforcés par des danseurs – se lancent dans des rondes joyeuses, qui rappellent celles imaginées par Béjart pour sa chorégraphie de la 9ème Symphonie de Beethoven. Et la soirée se conclut par l’apparition d’un enfant (Chadi Lazreq) qui interprète avec beaucoup d’aplomb l’antienne In Paradisum… tout en jouant au football avec un crâne humain !
Ce spectacle fort est par ailleurs remarquablement dirigé et chanté. Le jeune chef français Raphaël Pichon, à la tête de son Ensemble Pygmalion (merveilleux d'introspection comme d'éclat), a eu l’idée d’inclure neuf numéros d’autres œuvres de Mozart, en parfaite résonance avec les quatorze dont est constitué le Requiem proprement dit. On connaît également les réussites du magnifique Chœur Pygmalion : la cohésion et la clarté des timbres font de nouveau ici merveille. Dès le début, accompagné par des cordes qui rebondissent légèrement, il flatte l’oreille par sa justesse dans tous les sens du terme. Et dans le célébrissime Lacrymosa, la réussite s’impose d’elle-même, et l'on ne peut rêver interprétation plus poignante. Le quatuor de solistes est également parfait. Sandrine Piau offre toute la lumière de son timbre, portée par une ligne souveraine. De son côté, le ténor italien Anicio Zorzi Giustiniani enchante par sa voix claire, délicatement projetée, tandis que son compatriote Luca Tittoto impressionne par l’ampleur de son registre grave, autant que par la puissance et la sûreté de ses aigus. Enfin, la contralto Sara Mingardo éblouit par la richesse du timbre et la chatoyance des harmoniques.
Bref, dificile de sortir indemne d'un tel spectacle !
Le Requiem de Mozart au Théâtre Royal de La Monnaie, jusqu’au 14 mai 2022
Crédit photographique © Bernd Uhlig
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