Après avoir fait faux bond - ici-même à l’Opéra de Monte-Carlo - en 2016 dans le rôle-titre d’Alcina (remplacée par Inga Kalna), puis en 2017 dans celui de Manon (échu au final à Vannina Santoni), Sonya Yoncheva répond cette fois bel et bien présente, alors que curieusement, elle vient d’annuler sa participation à La Traviata scaligère, le 12 mars prochain (nous vous en parlions il y a peu...). C’est pourtant dans une forme vocale éblouissante que la soprano bulgare se présente (devant un public monégasque accouru en masse), même si le programme retenu ici - des Canzone italiennes de Verdi, Leoncavallo, Ruta, Tosti, Martucci, Tirindelli et Puccini - ne présente aucune difficulté particulière.
La première partie de programme (très courte, à peine une demi-heure…) est entièrement consacrée à des Canzone que Giuseppe Verdi composa entre 1838 et 1839. Elles s’amalgament avec les années d’apprentissage et à l’élaboration d’œuvres plus porteuses de promesses : In solitaria stanza (Dans une chambre solitaire) apparaît ainsi comme l’amorce d’un air de grand opéra alla Meyerbeer, tandis que Nell’orror di notte oscura (Dans l’horreur de la nuit obscure) témoigne de l’attraction que le théâtre pouvait exercer sur le jeune Verdi. Des six airs retenus, le dernier - L’Esule (L’exilé) - donne déjà la mesure, sinon par la ligne mélodique du moins par son dramatisme, des plus grands airs de la maturité. Yoncheva y distille tout ce qui fait l’essence de sa voix : un timbre pulpeux et volumineux, des aigus aussi vaillants que les graves sont sonores, un legato parfait, une palette de couleurs d’une richesse inouïe.
Après avoir troqué sa magnifique robe de satin bleu clair contre un long fourreau en velours noir ébène, la Diva revient sous les ors de la Salle Garnier pour interpréter des airs des grands mélodistes italiens qu’étaient Tosti ou Martucci. C’est dans les plus dramatiques d’entre eux que Yoncheva se montre le plus à l’aise, quand sa voix rayonnante a l’occasion de se libérer et donner sa pleine mesure, notamment dans le saisissant Al folto bosco de Martucci. Les quatre derniers sont de la main de Giacomo Puccini, dont certains sont en fait des « reprises » de ses plus célèbres opéras : Sole e amore n’est rien d’autre qu’une variation du duo du IIIe acte de La Bohème tandis que Mentia l’avviso ne fait qu’un avec l’aria de Des grieux dans Manon Lescaut : « Donna non vidi mai ». Deux airs qui lui permettent d’exhaler les superbes couleurs lunaires qu’on lui connaît, avec ce grain si attachant, sombre et moiré, le tout sur une ligne vocale construite avec un art affirmé. Relativement courte, la soirée s’achève néanmoins par trois bis, trois airs d’opéras qui animent d’un coup la salle car elle y retrouve ses marques, avec des mélodies qu’elle connaît : le deuxième air de Mimi d’abord, puis le fameux « Oh mio bambino caro » extrait de Gianni Schicchi, pour finir avec le bouleversant « Adieu, notre petite table », issu de cette Manon de Massenet qu’elle aurait dû chanter ici-même… et qui lui vaut un triomphe de la part du public monégasque, qui la remercie debout.
Soulignons, enfin, le piano toujours présent du talentueux pianiste français Antoine Palloc, aux arpèges bien définis, qui commente avec efficacité ou agit de façon péremptoire sur tous les numéros du programme. Bravo à lui aussi !
Sonya Yoncheva en récital à l’Opéra de Monte-Carlo, le 5 mars 2019
Crédit photographique © Alain Hanel
09 mars 2019 | Imprimer
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