Pour sa nouvelle mise en scène à l'Opéra de Marseille, le phocéen Louis Désiré – qui a également imaginé le décor et les costumes – signe une production fort austère de Tosca. Il a délibérément choisi de souligner les aspects oppressants de l'intrigue, en mettant en exergue la noirceur et la brutalité de Scarpia et de ses sbires. Le propos est sombre et menaçant, ne ménageant aucune porte de sortie, ce que vient accentuer la scénographie d'un noir oppressant, notamment dans les actes II et III. Pour autant, et de manière presque paradoxale, le traitement des situations n'échappe pas à une traduction traditionnelle, mais c'est l'intention affichée et assumée du régisseur qui a fait également « le pari d’une Tosca cinématographique », ce que corrobore notamment la scène finale où Tosca disparaït dans un halo de lumière qui va en se rétrécissant, alors que la diva s'est par ailleurs emmitouflée dans les deux rideaux de scène rouge...
La soprano américaine Adina Aaron – magnifique Aïda en 2009 et incandescente Leonora (Il Trovatore) en 2012 ici-même – est une Floria Tosca belle à couper le souffle, surtout dans la somptueuse robe tissée de fils d'or qu'elle porte au second acte. Quant à la voix, elle est des plus agréables dans le médium et donne le frisson dans le grave, mais ses aigus ne sont pas toujours sous contrôle ce soir.
Même s'il est vocalement un Caravadossi impeccable, le ténor italien Giorgio Berrugi ne parvient pas toujours à conférer à son chant toute la richesse d'expression voulue par Puccini ; admirable lorsque la voix s'élance vers des aigus infaillibles dans « La vita mi costasse » ou « Vittoria, vittoria ! » - ou lorsqu'elle se déploie dans les courbes de « Recondita armonia » -, il lui manque dans les duos avec Tosca ce phrasé voluptueux et cette douce mélancolie, qui lui font également défaut dans le fameux « E lucevan le stelle ».
Le baryton mexicain Carlos Almaguer incarne un Scarpia particulièrement incisif et insinuant, personnage dessiné avec force et mesure, avec toute la violence mais aussi l'ambiguïté nécessaires, grâce à une déclamation parfaitement accordée au chant. Sa scène avec Tosca au second acte est impressionnante de théâtralité, mais déjà dans le finale du premier acte, il s'impose comme un très grand acteur. De leur côté, Antoine Garcin campe un excellent Angelotti, Loïc Félix un Spoletta qui fait froid dans le dos, et Jacques Catalayud un Sacristain tout de finesse et de précision.
Premier chef invité de l'Opéra de Marseille, Fabrizio Maria Carminati dirige in loco un opéra par an depuis 2009. L'italien illumine et confère toute leur plénitude aux timbres et aux harmonies hardies du chef d'œuvre de Puccini, donnant à l'orchestre sa couleur et sa dynamique exactes, et au chant sa juste respiration. Une direction équilibrée et sans effet dont se dégage toujours une authentique émotion, et à laquelle répondent de superbe façon le Chœur et l'Orchestre de l'Opéra de Marseille, ainsi que la Maîtrise des Bouches-du-Rhône, parfaitement préparée par Samuel Coquard.
Tosca de Giacomo Puccini à l'Opéra de Marseille – jusqu'au 20 mars 2015
Crédit photographique © Christian Dresse
14 mars 2015 | Imprimer
Commentaires