Tristan und Isolde au festival "Mémoires" de l'Opéra de Lyon

Xl_tristan © Bertrand Stofleth

Troisième des mises en scène « historiques » ressuscitées par l’Opéra de Lyon pour son festival « Mémoires », celle de Tristan und Isolde imaginée par le célèbre dramaturge allemand Heiner Müller pour le festival de Bayreuth en 1993. Un Tristan très onirique qui enferme le couple des amants maudits dans un huis clos irrespirable : la cabine d’Isolde au premier acte, le cimetière des guerriers en guise de jardin au II et une pièce dans un vieux château en ruine dans le dernier acte. Dans ce décor très esthétisant d’Erich Wonder, d’une grande beauté visuelle, avec ses effets sophistiqués d’écrans lumineux et ses formes géométriques citant Rothko ou Albers, les amoureux ne se rencontrent jamais, sinon sous l’effet du philtre. Ainsi de leurs déambulations au milieu d’armures dressées telles des pierres tombales, pendant le long duo d’amour du II, où les regards mettent du temps avant de se renconter. Au dernier acte, la musique a beau précisément décrire la présence de la mer ou la course éperdue d’Isolde se précipitant pour sauver Tristan, le décor interdit toute évocation, la mise en scène toute mobilité. Et en dépit de la beauté fulgurante des images, il est toujours difficile d’obliger l’œil à ne pas voir ce que la musique lui communique…

Annoncée souffrante sans qu’il n’en paraisse (presque) rien, la soprano danoise Ann Petersen s’inscrit d’emblée dans la grande tradition des chanteuses qui ont marqué le rôle durant les dernières décennies. Ses atouts sont considérables : richesse du timbre, flexibilité de la ligne, sans oublier une puissance vocale impressionnante. N’altérant jamais la continuité de la phrase pour aborder une note particulièrement difficile, elle évolue avec une aisance confondante dans cette tessiture meurtrière, sans jamais s’économiser, pour atteindre le Liebestod avec une fraîcheur, un legato et un rayonnement intacts. Son Tristan - le ténor allemand Daniel Kirch - n’évolue pas sur les mêmes hauteurs, et n’est pas le heldentenor requis ici. Il est ainsi couvert par l’orchestre dans les paroxysmes, mais il négocie néanmoins le rôle avec une grande intelligence et sans accroc véritable. Grand espoir du chant wagnérien francophone, la mezzo suisse Eve-Maud Hubeaux se révèle la plus solide des Brangäne : magnifiquement timbrée, la voix fait montre d’une puissance et d’une projection impressionnantes, et elle délivre un irréprochable et émouvant appel au deuxième acte. Bouleversant s’avère, de son côté, la basse allemande Christof Fischesser, Roi Marke tour à tour mordant et caressant, avec une clarté exemplaire dans la diction. Annoncé également souffrant - et cela s’entend cette fois malheureusement à chacune de ses interventions -, le baryton espagnol Alejandro Marco-Buhrmester ne peut que décevoir en Kurwenal, sans qu’on puisse le lui reprocher dans ces conditions. Enfin, le ténor allemand Patrick Grahl (Le Jeune matelot, Le Berger) offre un timbre clair et une belle musicalité, tandis que Thomas Piffka n’appelle aucun reproche en Melot, l’acteur se montrant convaincant dans sa véhémence.

Dernier triomphateur de la soirée, l’excellent Hartmut Haenchen, déjà en fosse pour Elektra la veille, qui donne le meilleur de lui-même à la tête d’un Orchestre de l’Opéra de Lyon de bout en bout admirable de cohésion et de clarté, avec des sonorités magnifiques. Tour à tour dramatique et nuancé, avec un rare souci du détail instrumental, le chef allemand ménage un rapport parfait entre les voix et un orchestre somptueux mais jamais envahissant.

Annoncée le matin de la première, la saison 2017/2018 de l’Opéra de Lyon a aussi dévoilé la future édition du festival de printemps (en mars 2018) qui sera consacrée à Giuseppe Verdi. Trois de ses œuvres seront à l’affiche : la reprise du Macbeth imaginé par Ivo van Hove en 2012 pour la maison lyonnaise, Don Carlos dans sa version française dans une (nouvelle) mise en scène de Christophe Honoré et Attila pour une version de concert unique qui aura lieu à l’Auditorium Maurice Ravel.

Emmanuel Andrieu

Tristan und Isolde de Richard Wagner à l’Opéra national de Lyon, jusqu’au 5 avril 2017

Crédit photographique © Bertrand Stofleth
 

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