Un brillant Trouvère en ouverture de saison à l'Opéra Royal de Walllonie

Xl_trovatore © Opéra Royal de wallonie

Comme Marseille (Simon Boccanegra), Nancy (Aïda), Toulouse (Traviata) et Toulon (Rigoletto), Liège a choisi d’ouvrir sa saison 2018-2019 avec un opéra de Giuseppe Verdi. Et pas le plus facile, puisque Il Trovatore réclame, à l’instar de Don Carlo et d’Ernani, des pointures vocales beaucoup plus difficiles à trouver aujourd’hui qu’il y a trente ans. Provenant de Trieste – où la production a été étrennée en 2009 (pour être reprise in loco en 2011) –, le spectacle signé par Stefano Vizioli conjugue sobriété et efficacité, et se plie à une certaine « tradition » (qui est aussi la marque de fabrique de la maison wallonne). Un dispositif unique (imaginé par Alessandro Cimmarughi), composé de deux grands escaliers noirs, figurent ou délimitent tour à tour le camp des bohémiens, la forteresse de Castellor, le couvent de Leonora ou encore le cachot d’Azucena. Les éclairages de Franco Marri sont parcimonieux et plongent le drame dans une atmosphère sombre et étouffante. Dommage que la direction d’acteurs soit en revanche aussi relâchée, laissant les protagonistes à leurs inégaux moyens. On retiendra néanmoins la dernière image qui voit Azucena entamer une danse de mort après son sordide aveu, à l’image de celle d’Elektra après le meurtre de sa mère par Oreste…

Commençons par le meilleur et offrons des lauriers à la jeune cantatrice canarienne Yolanda Auyanet, déjà plébiscitée dans ces colonnes dans Don Carlo (rôle d’Elisabetta) à Marseille il y a deux ans. Elle apparaît comme l’une des sopranos parmi les plus attachantes parues ces dernières années sur les scènes internationales, et l’on espère qu’elle ne se brûlera pas trop vite les ailes… En très peu de temps, elle a abordé des rôles aussi exigeants qu’Anna Bolena et Norma, mais à en juger d’après sa Leonora ce soir, elle a toutes ses chances pour continuer à faire une belle carrière : égalité des registres, intensité dramatique, registre grave nourri, ou encore contrastes habilement négociés entre grâce et énergie... Piètre comédien, le ténor italien Fabio Sartori possède par contre beaucoup d’atouts vocaux pour faire face au difficile rôle de Manrico, parmi lesquels un beau timbre, une palette de nuances étendue, une puissance non négligeable, ainsi qu’un legato d’excellente école, comme dans le « Ah ! si, ben mio ». Enfin, il se permet le luxe d’un double contre-Ut à la fin du toujours très attendu « Di quella pira » !

Légende du chant lyrique, aussi à l’aise dans les emplois de mezzos que de sopranos lyriques, la lituanienne Violeta Urmana fait honneur à sa réputation, et incarne une Azucena d’une incroyable envergure : sa formidable présence scénique et sa sûreté vocale lui permettent ainsi de brosser de la vieille gitane un portrait jamais banal, ni vulgaire. Auprès du public, le triomphe est absolu ! On aimerait en dire autant du Comte de Luna du baryton italien Mario Cassi, grand habitué de la scène liégeoise, et déjà décevant Don Giovanni ici-même en 2016. Si l’aigu est facile (c’est sa seule qualité...), le timbre est banal, et surtout les secrets du chant verdiens lui échappent complétement : l’effort est constamment perceptible, aussi bien pour tenter de conserver la justesse de l’intonation que pour respecter le cantabile du fameux air « Il balen del suo sonriso ». Mais c’est toujours moins pire que l’horreur vocale que constitue Luciano Montanaro en Ferrando, d’un malcanto absolu…

En revanche, comme toujours à Liège, le chœur maison se révèle comme un des meilleurs protagonistes : la qualité de sa prestation suffit ainsi à faire oublier le traitement particulièrement sommaire des tableaux de foule. Enfin, très équilibrée, sans jamais cesser d’être attentive à ses chanteurs, la direction du grand chef israélien Daniel Oren (pour la première fois dans la fosse de l’ORW) sait exalter les beautés et les fulgurances orchestrales du chef d’œuvre de Verdi.

Emmanuel Andrieu

Il Trovatore de Giuseppe Verdi à l’Opéra Royal de Wallonie, jusqu’au 28 septembre 2018

Crédit photographique © Opéra Royal de Wallonie

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