Un gala lyrique français et festif à l'Opéra de Tours

Xl_gala_lyrique___tours © Marie Pétry

Nous attendions avec beaucoup d’impatience La Caravane du Caire d’Antoine-Modeste Grétry que l’Opéra de Tours avait mis à son affiche en ce début du mois de juin, lors d’une saison montée en un temps record par Laurent Campellone, nommé à l’automne dernier à la tête de l’institution tourangelle. Face aux incertitudes liées à la crise sanitaire, un gala lyrique avec les principaux interprètes s’y est substitué.

Et c’est le facétieux et inimitable Hervé Niquet qui joue ce soir les maîtres de cérémonie du gala en présentant, toujours de manière ludique et avec moult bons mots, chacune des pièces retenues. Et après la mise en bouche (explosive) que constitue la pétaradante Entrée des chasseresses (tirée de Sylvia de Leo Delibe), ce sont quelques-unes des plus belles pages de l’ouvrage de Grétry (qui sera repris in loco la saison prochaine) qui sont données à entendre au maigre auditoire (nous étions encore en tiers de jauge). L’Air « Ne suis-je pas aussi captive », le duo « Malgré la fortune cruelle » ou encore le final « Rien n’égale mon bonheur » ressuscitent le charme de cette musique « légère » de la fin de l’Ancien régime où humour, langueur et finesse allaient de pair avec l’exotisme à la mode d’alors.
Très éclectique, le programme purement instrumental permet de goûter au talent des brillants pupitres de l’Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours, grâce à un enlevé Unter Donner und Blitz de Strauss ou le joyeux The Stars and stripes forever de John Philip Sousa. Morceaux régulièrement mis aux programmes concoctés par Niquet, on retrouve également le fameux The Typewriter de Leroy Anderson où le percussionniste Nicolas Zanlonghi bataille avec l’orchestre depuis sa machine à écrire, mais aussi l’air « On a l’béguin pour Célestin » (extrait de L'Auberge du Cheval-Blanc de Benatzky), entonné avec force mimiques par Niquet himself, qui fait crouler la salle de rire.

Mais la soirée est surtout l’occasion d’entendre une belle brochette de gosiers français réunis pour l’occasion, et chacun d’entre eux aura au moins un air dans lequel briller ou émouvoir. Du côté des femmes, la jeune Marie Perbost (dernièrement interviewée dans ces colonnes) nous enveloppe de sa voix fraîche et ductile dans l’air tendre « Sous le feuillage sombre » (extrait de Lalla Roukh de Félicien David). Chantal Santon-Jeffery a elle droit à l’air de Corilla dans Vert-Vert d’Offenbach dans lequel elle met tous ses talents de comédienne en même temps qu’elle lui apporte son timbre sombre et corsé qui n’exclut pas les acrobaties vocales. La soprano québécoise Florie Valiquette s’en donne à cœur joie dans l’air de Rosita tiré d’Un Mari à la porte d’Offenbach, où son timbre clair se joue des pyrotechnies vocales de cette partie. Du côté des hommes, c’est une bien touchante Mélodie « Pensée de printemps » (Massenet) que le ténor Enguerrand de Hys déclame, dans une diction souveraine de la langue de Racine, et un timbre dont les couleurs et les nuances vont directement au cœur. Avec sa projection insolente et son timbre reconnaissable entre tous, Mathias Vidal ne fait qu’une bouchée du brillant Rondeau de Florival dans Une Folie d’Etienne Nicolas Méhul, et son abattage vocal n’a d’égal ici que son soin apporté à chaque mot. Le sixième et dernier artiste est une découverte pour nous, et le seul « étranger » de la distribution : le baryton-basse américain Douglas Williams en impose par sa stature mais aussi par son registre grave dont il use et abuse (pour notre plus grand plaisir) dans le fameux « Scintille diamant ! » tiré des Contes d’Hoffmann. Son excellente diction lui ouvre par ailleurs le vaste répertoire français pour lequel le jeune chanteur possède d’admirables dispositions. Et tout ce petit monde se retrouve, à la fin, pour entonner un étourdissant « Feu partout ! Lâcher tout ! » (La vie parisienne d’Offenbach, à l’affiche de la prochaine saison également…) qui pétille comme du champagne par un grand soir de fête.

Pour finir, informons le lecteur que cette virée tourangelle a été aussi l’occasion de rencontrer le maître des lieux qui nous a réservé la primeur du dévoilement de sa saison 2022 qui ne comportera pas moins de cinq grands ouvrages lyriques français et sera placée sous le parrainage de l’immense chef Michel Plasson (qui dirigera Thaïs en ouverture de saison) !

Emmanuel Andrieu

Grand gala lyrique à l’Opéra de Tours, le 8 juin 2021

Crédit photographique © Marie Pétry

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