Verdi toujours, et après Il Trovatore à Liège, Aïda à Nancy, La Traviata à Toulouse ou encore Simon Boccanegra à Marseille, c’est avec Rigoletto que l’Opéra de Toulon a choisi d’ouvrir sa saison 18/19. Las, pour ce qui est de la mise en scène confiée à la vénitienne Elena Barbalich, on est plus proche du fiasco nancéen que de la réussite liégeoise. Inspirée par le Regietheater, la scénographie (unique) signée par Tommaso Lagatolla est d’une rare laideur : elle se compose de structures métalliques avec panneaux amovibles qui serviront à figurer tant le Palais du Duc, que la maison du Bouffon ou l’auberge de Sparafucile. Au I, elles forment des sortes de vitrines en hauteur dans lesquelles sont enfermées des femmes entièrement nues, dont il faut comprendre qu’elles sont comme les trophées du Duc, livrées au regard concupiscent des courtisans. Sans que l’on comprenne pourquoi, les rares éléments de mobilier se retrouvent suspendus en l’air au III (photo) … A part ces quelques bizarreries, on s’ennuie beaucoup pendant ce spectacle inabouti, et ce n’est pas les lumières uniformément sombres et blafardes de Fiammetta Baldisserri qui viendront nous tirer de notre ennui...
Avec un jeu limité, une voix sans projection, sans mordant, et peu audible, le baryton italien Francesco Landolfi déçoit en Rigoletto : il ne remplit aucune des cases nécessaires pour rendre justice à son personnage. Le Duc de Mantoue du jeune ténor italien Marco Ciaponi offre de toutes autres satisfactions : doté d’un magnifique timbre latin, léger, haut d’émission et vibrant, il fait preuve d’un beau sens du texte et même d’un certain esprit dans « Questa o quella ». Sa lecture de « Possente amor » – couronné d’un contre-Ré glorieux – est de bout en bout de très bon goût dans la sonorité, et il déroule durant toute la soirée une superbe ligne cantabile et un phrasé tout simplement exquis.
Mais la triomphatrice de la soirée est la jeune Mihaela Marcu, dont nous avions beaucoup aimé la Giuletta (dans le Romeo bellinien) au Teatro Sao Carlos de Lisbonne en avril dernier, et qui campe ce soir une Gilda passionnée et volontaire, peu encline à jouer les héroïnes rêveuses dans les broderies du célèbre « Caro nome ». Avec une voix plus corsée que de coutume dans cette partie, la soprano roumaine fait également preuve d’une incroyable facilité dans l’extrême aigu (à un petit accident près…), et joue d’une gamme infinie d’inflexions et de nuances, du pianissimo le plus subtil au cri de révolte. Brava !
L’imposant Sparafucile de Dario Russo et le Marullo incisif de Mikhael Piccone méritent une mention particulière. Et grâce à la mezzo française Sarah Laulan, qui campe une superbe Maddalena (ici transformée en maîtresse-femme), le fameux quatuor est l’un des meilleurs moments du spectacle. Enfin, le Chœur (masculin) de l’Opéra de Toulon est absolument remarquable de cohésion et de présence scénique.
Quant à la direction du chef catalan Daniel Montané, elle insuffle force et énergie à un Orchestre de l’Opéra de Toulon en excellente forme, et restitue à merveille les nuances et les modulations de la partition : implacable dans l’ouverture, haletante au rythme des plaintes de Rigoletto à l’acte II, et déchaînée dans l’orage du III.
Rigoletto de Giuseppe Verdi à l’Opéra de Toulon, jusqu’au 9 octobre 2018
Crédit photographique © Frédéric Stéphan
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