Un Rigoletto mi-figue mi-raisin à l'Opéra de Tours

Xl_rigoletto © Sandra Daveau

Etrennée ici-même, au Grand-Théâtre de Tours, il y a cinq ans, cette production de Rigoletto de Giuseppe Verdi signée par François de Carpentries n’est pas le meilleur spectacle attaché à la maison tourangelle. Sur bien des points, le travail du metteur en scène français, sans grand relief, ne fait que respecter une tradition bien établie (bien que feignant ici ou là de s’en démarquer…). Quelques images sont néanmoins à sauver : l’étreinte de Gilda et du Duc en ombre chinoise tandis que Rigoletto supplie les courtisans de lui révéler où est sa fille, ou l’assassinat de Giovanna par ces mêmes courtisans, rendant l’enlèvement de l'héroïne encore plus abject.

La distribution vocale alterne le chaud et le froid. Dans le rôle-titre, le baryton arménien Davit Babayants se montre indéfendable. Acteur plus que limité, incapable de conférer à son personnage la moindre consistance hormis quelques mimiques éculées, il se révèle tout aussi piètre chanteur, avec un chant constamment aux limites de la justesse et délivré uniformément. Remplaçant au pied levé un collègue défaillant, le jeune ténor mexicain Rodrigo Porras Garulo avec un physique idéal pour le personnage du Duc de Mantoue, s’impose pour sa part grâce à un timbre rayonnant, un phrasé, un élan et une juvénilité que l’on ne rencontre que très rarement réunis. De son côté, la soprano ukrainienne Ulyana Aleksyuk (en troupe à l’Opéra de Karlsruhe, à l’instar du ténor) offre un portrait de Gilda un peu passif encore, peu spécifiquement dessiné. La voix est facile, souple et virtuose, dans la tradition des sopranos lyriques légers, mais la profondeur fait encore défaut. De profondeur, surtout dans les notes graves, la mezzo franco-marocaine Ahlima Mhamdi n’en manque pas, et elle incarne une Maddalena à la voix pulpeuse, dont le rire illumine le quatuor du III. On a moins de chance avec les voix graves masculines : le Sparafucile de Luciano Montanaro offre une voix charbonneuse et limitée dans l’aigu tandis que le jeune baryton français Julien Véronèse (Monterone) accuse des problèmes d’intonation ce soir. De son côté, Eléonore Pancrazi confère à la suivante peu farouche et manipulatrice qu’est Giovanna une épaisseur inhabituelle.

A la tête de l’Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours, Bruno Ferrandis fait preuve d’une remarquable autorité, et donne de la partition une lecture très musclée, refusant toute facilité et inclinant l’ouvrage vers les grands Verdi de la maturité ; il en est résulté certains paroxysmes ne rendant pas la tâche facile aux chanteurs. Enfin, le Chœur de l’Opéra de Tours est superbe de précision et d‘homogénéité, remarquablement préparé par Alexandre Herviant, offrant à l’auditoire une des principales satisfactions de la soirée.

Emmanuel Andrieu

Rigoletto de Giuseppe verdi à l’Opéra de Tours, les 6, 8 & 10 octobre 2017

Crédit photographique © Sandra Daveau
 

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