Considérée comme une maison ne sortant jamais des sentiers battus (du classicisme), l’Opéra Royal de Wallonie vient d’apporter un vrai démenti à ses détracteurs avec cette déroutante (et originale) nouvelle production de La Clémence de Titus confiée au duo Cécile Roussat et Julien Lubek (qui signent également décors, costumes, éclairages… et même les chorégraphies !). Ils ne transposent pas plus le livret dans la Rome antique qu’à l’époque du compositeur (comme c’est souvent le cas), mais dans un temps et un lieu indéterminés, une sorte de forêt peuplée de bêtes sauvages et d’acrobates en tout genre (les deux metteurs en scène sont issus du monde circassien). Dans leurs notes d’intentions, ils soulignent ainsi avoir voulu placer « l'œuvre dans un ailleurs idéalisé, où vit en harmonie avec la nature un peuple primitif tel qu'un voyageur du XVIII° peut se le représenter. L'aristocratie, elle, est une caste inspirée de la mythologie, où chaque personnage voit son caractère incarné très concrètement dans sa forme qui mêle l'homme à l'animal ou à l’élément naturel ». Le rôle-titre prend ici la forme d’un centaure, Servilia les allures d’une Princesse Leia (de la Guerre des Etoiles), Annio un archange à une seule aile ou encore Publio montré comme un monstre silvestre aux mains-griffes alla Edward aux mains d’argent… Avouons que les images qui naissent sous nos yeux captent et émerveillent la rétine, que la direction d’acteurs est très inventive, à l’image de l’abondance des idées, mais que tout cela finit quand même par nuire à l’écoute et donc à la musique… sans compter sur le fait que ce que l’on nous montre entre parfois aussi en conflit avec le texte…
A l’exception d’un Publio finlandais, la distribution est entièrement italienne. S’il éprouve quelques difficultés dans les coloratures de l’air final, Leonardo Cortellazzi n’en incarne pas moins un Tito au chant noble. La triomphatrice de la soirée est incontestablement Anna Bonitatibus qui campe un superbe Sesto, à la fois volontaire et écrasé par la fatalité. Elle livre un chant de toute beauté dans le célèbre « Parto, parto », couronné de pianissimi bouleversants. Patrizia Ciofi dessine une Vitellia aussi séductrice que vénéneuse, en assurant avec aplomb - si ce n’est toujours avec panache - la tessiture impossible de son personnage. Dotée d’un timbre délicat, Cecilia Molinari confère à Annio une remarquable probité ; ses attaques franches et ses graves profonds forcent l’admiration. Las, la voix de Veronica Cangemi marque mal le passage des ans, le timbre s’est durci et les aigus s’en trouvent également indurés (quand ils sont atteints…). Quant à la basse Markus Suihkonen, elle manque de rondeur avec un timbre par ailleurs encore un peu vert pour rendre totalement justice au personnage de Publio. Enfin, à la tête d’un Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie en grande forme, le chef viennois Thomas Rösner offre une lecture précise de la partition de Mozart, aux phrasés justes et expressifs, pleine de contraste et de vie.
Le public wallon ne boude pas son plaisir et fait une fête à l’ensemble de l’équipe artistique.
La Clemenza di Tito de W. A. Mozart à l’Opéra Royal de Wallonie (mai 2019)
Crédit photographique © Opéra Royal de Wallonie
28 mai 2019 | Imprimer
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