Après une onzième édition consacrée à La Chauve-souris de Johann Strauss, c’est vers un titre de l’Opéra-comique français que le choix de Jérôme Pillement, directeur artistique de la manifestation montpelliéraine, s’est porté : La Fille du régiment de Gaetano Donizetti. Un peu chez eux à Montpellier – où ils ont déjà mis en scène Le Roi Arthur de Purcell et Don Quichotte chez la duchesse de Boismortier – le fameux duo comique Shirley & Dino (composé de Corinne et Gilles Benizio) était convié à mettre en scène ce petit bijou du répertoire français. Ils s’inspirent ici des films du néoréalisme italien, et c’est donc l’Italie des années 50 qui surgit sous nos yeux, à travers les costumes notamment, tandis que les décors sont créés grâce à un procédé de multi-projections de photos et de videos en mapping : images d’une église richement décorée au I, puis forêt profonde ou encore pièce d’apparat du château des Berkenfield. Comme l’on pouvait s’y attendre, Shirley et Dino ne pouvaient pas s’empêcher de « faire leur numéro » et ils profitent d’un précipité pour venir tenter leur chance auprès du maestro en lui proposant une audition inopinée pour la prochaine édition des Folies d’O ! C’est alors qu’ils entonnent le célèbre duo de Véronique d’André Messager… qu’ils massacrent allègrement... tout en étant très contents de leur prestation ! Bref, hilarité générale au cours d’une soirée qui alterne avec bonheur franche bonhommie et moments plus nostalgiques…
Coté vocal, le bonheur est total, mais c’est bien les deux protagonistes principaux qui ont déchaîné, à juste titre, l’enthousiasme du public. En effet, le jeune ténor bordelais Julien Dran est un Tonio accompli, grâce à ses facilités d’émission dans l’aigu (quel aplomb dans les neuf contre-Ut !), mais aussi une vaillance et un timbre plus corsé que de coutume dans cet emploi confié généralement à des tenorini. Sa Marie est la jeune Anaïs Constans – superbe Micaëla en avril dernier au Théâtre du Capitole – qui se situe au même niveau d’excellence. Timbre lumineux et pénétrant, coloratura précise et mordante, legato exemplaire, phrasé nuancé et éloquent : tout cela, associé à son talent de comédienne lui permet de dessiner une Marie absolument remarquable, aussi bien dans la légèreté touchante de la « chanson du régiment » que dans la touchante langueur de « Il faut partir » ou encore dans les acrobaties funambulesques de la leçon de chant. Lionel Lhote est un luxe en Sulpice auquel il prête sa bonhommie naturelle et sa voix de stentor, tandis que Julie Pasturaud campe une impayable – et surtout totalement nymphomane – Marquise de Berkenfield. Reste le cas Jean-Vincent Blot qui relève le défi de camper à la fois Hortensius et la Duchesse de Crakentorp, dont il en fait une bavaroise bien en chair, psycho-rigide et nostalgique du IIIe Reich !...
La fosse n’est pas en reste, en matière de qualité artistique, et Jérôme Pillement dirige avec toute la légèreté requise, faisant notamment valoir la qualité des vents et des bois de l’Orchestre National de Montpellier Occitanie. Un mot, enfin, pour le Chœur d’hommes de l’OONM, musicalement irréprochable.
La Fille du régiment de Gaetano Donizetti aux Folies d’O de Montpellier, le 8 juillet 2018
Crédit photographique © Thierry Montech
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