Vincent Boussard signe des Noces de Figaro précieuses et raffinées à l'Opéra de Marseille

Xl_nozze © Christian Dresse

Après Gounod en février dernier, place cette fois à Mozart, avec Les Noces de Figaro, dans une nouvelle mise en scène confiée à Vincent Boussard, dont le public phocéen avait plébiscité (par deux fois) la production de Hamlet d’Ambroise Thomas. On retrouve ce qui fait la triple marque de fabrique du metteur en scène français : respect pour les œuvres, beaucoup d’inventivité et un goût prononcé pour les images « léchées » et sophistiquées. Avec le fidèle Vincent Lemaire pour les décors, il a imaginé un espace fermé par trois hauts murs que surplombe des figurants issus du chœur, scrutant l’action qui se déroule en contre-bas, comme si les protagonistes étaient l’enjeu d’une expérimentation chère au XVIIIème siècle, ce qu’attestent leurs costumes (conçus par Boussard himself, aidé par Elizabeth de Sauverzac). Les principaux personnages arborent eux des tenues plus contemporaines, et l’on retient plus particulièrement les trois costumes portés tour à tour par la Comtesse : un  élégant tailleur noir, puis une robe de mariée blanche (celle de Susanna) et enfin une superbe robe de gala. Les trois immenses parois bénéficient des très belles projections de feuillages alla Watteau, entre autres, ce qui ajoute à l’atmosphère très raffinée du spectacle. Enfin, la direction d’acteurs fourmille de belles trouvailles et fait valoir la complexité de l’âme humaine et de ses écartèlements, avec juste ce qu’il faut de distance railleuse pour réconcilier les différents registres sur lesquels se place l’ouvrage.

Pilier de l’Opéra de Marseille dans lequel nous l’avons entendue tant de fois, Patrizia Ciofi a choisi la cité phocéenne pour interpréter sa première Comtesse. Victime d’un évanouissement lors de la première, c’est en pleine forme que la cantatrice toscane nous revient. Et si certains pourront préférer une voix plus large et opulente dans le rôle, Patrizia Ciofi n’en brille pas moins dans le rôle autant par sa fraîcheur vocale que par son art de la nuance et du sous-entendu : les attaques sont sûres, l’intonation délicate, et la noble mélancolie indispensable au fameux air « Porgi amor » est distillée de manière souveraine ici. Comme pour chacune des héroïnes qu’elle incarne, Anne-Catherine Gillet est d’une éblouissante présence, et elle offre une Susanna d’une roborative santé, sans détours mutins inutiles. Remplaçant Josef Wagner, initialement prévu, le baryton italien Christian Federici impose un Comte de superbe allure, à la projection franche. Grand habitué de l’Opéra de Marseille, Mirco Palazzi est habité par une énergie plus intarissable encore, sa voix sombre et mordante conférant par ailleurs au personnage de Figaro une profondeur inhabituelle. On soulignera encore le Cherubino rayonnant d’Antoinette Dennefeld, d’une parfaite crédibilité et d’une irrésistible séduction. Dans le rôle de Marcellina, Marie-Ange Todorovitch est plus vraie que nature en cougar, tandis que Marc Barrard campe un solide Bartolo. Enfin, parmi les très bons comprimari (Raphaël Brémard en Basilio, Carl Ghazarossian en Don Curzio et Philippe Ermelier en Antonio), on distinguera néanmoins la fraîche et palpitante Barbarina de la jeune soprano française Jennifer Courcier.

Sous la baguette du chef irlandais Mark Shanahan, ces Nozze révèlent une excellente qualité instrumentale… mais de curieuses inégalités dans le relief d’ensemble de l’interprétation. Certains moments pétillent, d’autres paraissent plus anonymes, comme le finale du II, pour lequel on aurait souhaité plus de brillance et d’éclat.

Emmanuel Andrieu

Les Noces de Figaro de W. A. Mozart à l’Opéra de Marseille, jusqu’au 3 avril 2019

Crédit photographique © Christian Dresse

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