Informations générales
- Nom:Deller
- Prénom:Alfred
- Date de naissance:13/05/1912
- Date de mort:16/07/1979
- Nationalité:Royaume-uni
- Tessiture:Haute-Contre
Biographie
Le nom d’Alfred Deller est associé à la redécouverte d’un répertoire immense et oublié pendant des siècles faute d’interprètes. Ce chanteur anglais est un autodidacte de génie dont l’intuition et la persévérance sont parvenues à ressusciter un type de voix dont la disparition avait entraîné celle de la majeure partie de la musique britannique de la Renaissance. Comment aurait-on pu apprécier la musique vocale d’avant Haendel alors même que la tradition des contre-ténors solistes s’était perdue ? Elle ne survivait que dans certaines cathédrales anglaises où l’on pouvait encore entendre quelques hommes tenir les parties d’alto au cours des messes. C’est d’ailleurs ainsi que devait débuter l’extraordinaire aventure musicale d’Alfred Deller, un des plus remarquables chanteurs du XXème siècle.
Mais qu’appelle-t-on précisément, un « contre-ténor » ? On parle aussi de « haute-contre », ou encore d’altus en Allemagne et de « falsetto » en Italie. On peut dire pour simplifier qu’il s’agit d’un chanteur à la voix plutôt aigüe dont le registre se rapproche de celui d’une voix féminine. A mi-chemin entre la tessiture du ténor et celle du contralto, le contre-ténor chante avec une « voix de tête » ou une « voix de fausset ». On ne confondra pas les contre-ténors avec les fameux castrats qui triomphèrent au XVIIIème siècle, essentiellement en Italie. Ces derniers avaient subi une opération avant la mue pour conserver leur voix d’enfant associée à la puissance de souffle d’un adulte. Les castrats n’existent plus et les contre-ténors appartiennent pleinement à la vie contemporaine même s’ils nous permettent d’entendre des sons venus d’un très lointain passé. Alfred Deller a dû vaincre bien des préjugés pour convaincre une partie du public qui doutait de sa virilité en s’étonnant qu’il puisse être père de trois enfants ! C’était un homme à la carrure imposante qui portait la barbe et qui avait préféré durant la guerre se consacrer à de durs travaux agricoles pour respecter ses convictions d’objecteur de conscience. De ce chanteur aussi atypique que merveilleux, un autre contre-ténor, René Jacobs, disait : « En entendant sa voix, un monde nouveau s’est ouvert à moi et j’ai découvert bien plus qu’une voix inhabituelle, exotique, surnaturelle… Avec cet instrument, cet homme faisait de la musique avec une expressivité et un respect du texte que je n’avais connu jusqu’alors que chez un chanteur comme Dietrich Fischer-Dieskau ».
Deller Consort
Alfred Deller est né à Margate, dans le Kent, le 31 mai 1912. Il entre dans le chœur paroissial à onze ans en tant que soprano garçon. Il ne suit aucun enseignement spécial et après la mue, il continue à se perfectionner tout seul pour tenir les parties d’alto dans les messes, car il se sent plus à son aise en chantant dans le registre de fausset. Il ne recevra qu’une seule leçon de chant à dix-huit ans quand il cherchera à mieux contrôler sa respiration. L’année suivante, en 1931, on lui propose d’intégrer le chœur de Hastings et d’entrer dans un magasin de meubles pour pouvoir gagner sa vie… Six ans plus tard, il épouse la fille du directeur du magasin mais il renonce à son emploi pour se consacrer pleinement à la musique !
En 1940, le jeune homme intègre les chœurs de la cathédrale de Canterbury où le compositeur Michael Tippett (1905-1998) le découvre alors qu’il recherche depuis longtemps un chanteur capable d’interpréter Purcell. « A cet instant, j’ai eu l’impression de revenir plusieurs siècles en arrière », racontera Michael Tippett quelques années plus tard. Le compositeur est enthousiasmé par la découverte de cette incroyable couleur vocale qui rend enfin possible la redécouverte des musiciens anglais du XVIème et XVIIème siècles. Dès 1943, Alfred Deller se produit en concert, mais c’est en 1946 qu’il accède à la notoriété grâce à la radio avec la diffusion du concert inaugural du « BBC Third Programme ». Les auditeurs sont fascinés par son interprétation de l’ode de Purcell, « Come ye Sons of Art ».
De 1947 à 1961, Alfred Deller se produira dans les chœurs de la cathédrale Saint Paul de Londres. Son parcours totalement atypique oblige le chanteur à se battre pour imposer ses conceptions et faire redécouvrir des compositeurs comme John Dowland (1563-1626), Thomas Tallis (1505-1585) ou Thomas Morley (1557-1602).
Deller Consort
Dès 1949, Alfred Deller enregistre son premier disque pour His Master’s Voice et, en 1950, il fonde le « Deller Consort », un ensemble qui lui permettra de réaliser une centaine d’enregistrements avec des chefs et des instrumentistes qui partagent sa passion de la musique baroque, tels Nikolaus Harnoncourt, Gustav Leonhardt ou encore Walter Bergmann et Desmond Dupré. En 1966, le contre-ténor signe un contrat d’exclusivité avec Harmonia Mundi qui lui accorde le contrôle artistique de ses enregistrements.
Bach est le grand absent du répertoire d’Alfred Deller « à cause du diapason moderne trop élevé », dit-il. En revanche, le contre-ténor a chanté un rôle écrit spécialement pour lui, Obéron, dans Le Songe d’une nuit d’été de Benjamin Britten. Pour incarner Obéron, le roi des fées, le compositeur voulait un timbre « surnaturel ». Alfred Deller devait créer ce rôle au Festival d’Aldeburgh en juin 1960. Malheureusement, l’année suivante, il est écarté de la distribution du Covent Garden de Londres au profit d’un autre contre-ténor, l’américain Russell Oberlin. La critique avait sévèrement jugé la prestation d’acteur d’Alfred Deller à Aldeburgh et sa voix paraissait trop peu puissante pour Covent Garden. Le chanteur vécut cet épisode comme une injustice. Il a ensuite peu fréquenté les scènes lyriques et s’est essentiellement consacré aux concerts et aux enregistrements.
Alfred Deller donnait régulièrement des cours d’été à l’Abbaye de Sénanque ou à Lacoste. Disparu le 16 juillet 1979 à Bologne, il reste une référence absolue pour les nouvelles générations de contre-ténors qui ont repris à sa suite le flambeau de la musique baroque, que ce soit James Bowman, René Jacobs ou, plus près de nous, Philippe Jaroussky ou David Daniels. Et lui est reparti chanter avec les anges.
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