Informations générales
- Compositeur:Franz Schreker
- Librettiste:Franz Schreker
- Date de création:1918
- Lieu de création:Allemagne
- Nombre d'acte:3
- Langue originale:Allemand
- Maison d'opéra de la production originale:Oper Frankfurt.
Description de l'Œuvre
Les Stigmatisés (Die Gezeichneten) figure en bonne place parmi les opéras très controversés qui permirent à Franz Schreker (1878-1934) de s’imposer comme l’un des compositeurs lyriques les plus marquants de la première moitié du XXème siècle. Passé maître dans l’exploration de conflits psychologiques hors norme, Schreker est un des artisans de l’évolution du mouvement néoromantique vers l’expressionisme. Ses origines juives lui attirèrent rapidement l’hostilité des nazis qui voyaient en lui un des représentants de ce qu’ils appelaient « la musique dégénérée ». Chassé de tous les postes prestigieux qu’il occupait, Schreker finit par succomber à une attaque cardiaque en 1934.
Les Stigmatisés est composé entre 1913 et 1915 et créé entre La Princesse et la boîte à musique (1913) et Chercheur de trésor (1920). L’ouvrage remporte un triomphe qui vaut à son auteur d’être salué par la critique comme un héritier de Wagner. La richesse du tissu orchestral et le recours aux leitmotive pour assurer la portée symbolique du drame sont nettement d’inspiration wagnérienne. Mais l’influence de Wagner est aussi présente dans la vision de la grotte du plaisir rappelant le « Venusberg » de Tannhäuser (1845), même si l’angoisse née de la fascination qu’exerce la sexualité s’efface devant une captivante exploration des obsessions et des fantasmes sexuels qui déchirent et opposent les protagonistes. Développant une intrigue basée sur une rivalité amoureuse aussi déconcertante que destructrice, Les Stigmatisés reflète de nombreuses influences littéraires et artistiques. On y retrouve l’inspiration d’Oscar Wilde, de Maurice Maeterlinck ou de Thomas Mann mais aussi l’écho des préoccupations de Sigmund Freud à travers l’ambivalence des sentiments et des désirs exacerbés dans le combat entre Eros et Thanatos. On y décèle aussi la passion du compositeur pour la Renaissance italienne qui lui a fourni des noms et des éléments du drame. Schreker a d’abord songé à confier son livret à Alexander von Zemlinsky (1871-1942) qui cherchait un livret « sur la tragédie de l’homme laid » dont il vivait lui-même les humiliations et les désespoirs. Zemlinsky finira par s’emparer d’une pièce d’Oscar Wilde, L’anniversaire de l’Infante (1908), qui deviendra l’opéra Le Nain (1922), après avoir déjà fourni à Schreker le sujet d’une pantomime, Der Geburtstag der Infantin (1908), son premier succès. D’abord servi par de brillants interprètes et un grand chef comme Bruno Walter (1876-1962), Les Stigmatisés a peu à peu disparu du répertoire après la Seconde Guerre Mondiale. Un magnifique prélude et des scènes d’une rare puissance font du dernier acte le sommet de cet ouvrage qui mérite amplement d’être redécouvert.
Résumé
Au XVIème siècle, à Gênes, un noble immensément riche et affreusement laid a conçu un projet étonnant : Alviano Salvago désire offrir à sa ville une île qu’il a entièrement dédiée à la beauté. Pour préserver cette utopie de toute forme de laideur, Alviano ne s’y est jamais rendu et il ignore que les nobles gênois en ont fait un lieu de débauche. Le jeune et très beau comte Vitelozzo Tamare est à la tête de ces orgies et il convoite Carlotta Nardi qui, contrairement à toute attente, se refuse à lui pour déclarer son amour à Alviano dont la laideur semble l’attirer. Mais bientôt, Carlotta succombe aux avances de Tamare qui l’entraîne dans les profondeurs d’une grotte mystérieuse aménagée dans l’île. La jeune fille sait qu’une maladie lui interdit de connaître le plaisir physique sous peine d’en mourir. Quand il comprend que Carlotta s’est donnée au beau Tamare, Alviano s’abandonne à la fureur en poignardant son rival. Carlotta meurt à son tour, tandis qu’Alviano sombre dans la folie.
Acte 1
Alviano Salvago a fait construire dans une île au large de Gênes une sorte de paradis où tout doit concourir à célébrer la beauté dont la nature l’a totalement privé. Cette utopie appelée « Elysée » est un magnifique projet dont il compte maintenant faire cadeau à sa ville contre l’avis de ses amis. Profitant du fait qu’Alviano ne s’est jamais rendu sur son île pour ne pas la profaner par sa laideur, ses amis ont détourné la fonction de ce lieu magnifique en le transformant en un paradis pour débauchés. Ils craignent désormais d’être démasqués et condamnés pour l’enlèvement de jeunes filles de la bourgeoisie qu’ils ont entraînées dans leurs orgies. A la tête de ces nobles libertins, se trouve le beau et irrésistible Vitelozzo Tamare qui s’est follement épris de la fille du Podestat de Gênes, Carlotta Nardi. La jeune fille lui résiste et semble attirée par la grande laideur d’Alviano dont elle voudrait faire le portrait. Alviano accepte de poser pour elle dans son atelier car elle l’a convaincu qu’elle préférait la beauté des âmes à celle des corps.
Acte 2
Tamare confie sa passion pour Carlotta au duc Adorno qui promet de l’aider en lui déconseillant d’employer la force, car il le soupçonne d’être à l’origine des rapts de jeunes filles dont on recherche activement les coupables. Carlotta commence à peindre le portrait d’Alviano auquel elle avoue son amour. Bouleversé par cet aveu tellement inattendu, le jeune homme finit par comprendre que Carlotta ne peut connaître aucune extase amoureuse sans y perdre la
Acte 3
Les Gênois sont invités à visiter l’île qu’Alviano veut leur offrir. Le jeune homme annonce au Podestat qu’il désire épouser sa fille Carlotta, qu’il aime passionnément, mais il ne sait pas encore que la jeune fille a progressivement changé d’avis. Pourquoi repousserait-elle le beau Tamare en lui préférant un homme très laid ? Carlotta est impressionnée par le spectacle sensuel que lui offre bientôt la découverte de l’île où elle finit par rencontrer Tamare, auquel elle ne résiste plus. Alviano cherche Carlotta jusqu’à ce qu’il soit arrêté et accusé à tort d’avoir enlevé les jeunes filles disparues. Comprenant qu’il a été injustement dénoncé par Tamare, Alviano entraîne tout le monde dans la fameuse grotte souterraine aménagée dans un endroit secret de l’île. Surpris en pleine orgie, les nobles libertins sont faits prisonniers. Alviano accuse Tamare d’avoir violé Carlotta, mais quand il comprend qu’elle s’est donnée à son rival de son plein gré, il le poignarde. Avant de mourir, Carlotta veut étreindre une dernière fois le beau Tamare, ce qui plonge définitivement Alviano dans la folie.
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