Un Ballo in maschera à La Monnaie de Bruxelles

Xl_ballo © Johan Jacobs

Pour Un Ballo in maschera – avant-dernier titre de la saison du Théâtre Royal de La Monnaie -, Alex Ollé, membre du célèbre collectif La Fura dels Baus, a voulu prendre au sérieux le contexte de la version originale du livret d'Antonio Somma, tout en tentant une transposition radicale. Mais peut-on se le permettre avec un livret aussi linéaire, aussi explicite que celui du Bal masqué, conçu à l'origine par Scribe pour Auber ? Le metteur en scène catalan transpose ainsi l'action dans un monde futuriste et totalitaire, et s'en explique dans les notes d'intention, précisant qu'il voit « des ressemblances frappantes » entre le texte de Somma et le roman de George Orwell 1984. A titre personnel, nous n'en voyons guère, et la vision qu'il nous impose ici - dont la principale caractéristique est la laideur (la scénographie se réduit à une bunker sordide baigné dans une lumière blafarde) - entre en permanent conflit avec la beauté de la musique de Verdi.

Par bonheur, la distribution vocale offre de toutes autres satisfactions, à commencer par le ténor italien Stefano Secco : le timbre est superbe, les aigus brillants et le chant expressif. Il est surtout rare d'entendre un Gustav III aussi respectueux de la partition et des indications de Verdi. Trois mois après sa magnifique incarnation de Nedda à l'Opéra de Monte-Carlo, la soprano urugayenne Maria-José Siri campe une surprenante Amelia, jamais larmoyante, mais au contraire toujours digne, même au moment où elle supplie son mari de revoir son fils une dernière fois. Tout cela est exprimé d'une voix solide, ferme, intense et riche en nuances.

Après son Simon Boccanegra à l'Opéra Grand Avignon en mars dernier, le baryton roumain George Petean (Anckarström) confirme sa sensibilité de baryton verdien : noblesse du timbre, beauté de la ligne, ampleur du souffle et du phrasé, il en possède toutes les qualités. De son côté, Marie-Nicole Lemieux prête ses moyens puissants et ses graves impressionnants à une Ulrica Arvidsson d'un grand relief, tandis que la voix de la soprano colorature coréenne Kathleen Kim (Oscar) n'éprouve aucune peine à planer au dessus des ensembles. Enfin, les personnages secondaires méritent tous une mention, Roberto Accurso en Cristiano, Tijl Faveyts en Ribbing et Carlo Cigni en Horn.

Autre bonheur de la soirée, la direction du chef italien Carlo Rizzi, qui propose une lecture orchestrale très précise et dynamique, riche en détails instrumentaux et d'une extraordinaire intensité dramatique. De nombreux passages sont méritoires, tel qu'un très intéressant « E' scherzo od è follia », où le climat rieur se transforme soudain en une atmosphère tendue et inquiète, laissant présager l'issue tragique, et le second acte en son entier, dirigé avec une grande urgence dramatique. L'accompagnement des airs en solo est excellent, Rizzi y introduisant un rythme assez lent, mais chargé d'émotion, et conférant à l'Andante verdien la noblesse et l'éloquence qui lui sont propres. L'Orchestre symphonique et le Chœur de La Monnaie se révèlent extrêmement souples, et suivent sans peine la vivacité imprimée par la direction.

Emmanuel Andrieu

Un Ballo in maschera à La Monnaie de Bruxelles, jusqu'au 27 mai 2015

Crédit photographique © Johan Jacobs

| Imprimer

En savoir plus

Commentaires

Loading