En quelques années, le ténor américain Bryan Hymel est devenu un des gosiers les plus demandés sur les grandes scènes internationales, notammment le Metropolitan Opera de New-York ou la Royal Opera House de Londres. Son répertoire est étendu mais ses affinités avec la langue française (il est originaire de Louisiane) et sa voix claire et héroïque en font un interprète de choix pour les ouvrages de Berlioz (Enée et Faust) ou pour le rôle d'Arnold dans Guillaume Tell de Rossini (partie dans laquelle nous l'avons entendu il y a deux étés au festival d'opéra de Munich). A l'occasion d'un récital donné la veille d'une représentation de Turandot au Festival Castell Peralada, nous l'avons rencontré.
***
Opera-Online : Quelle est votre rapport à la langue française en général - et à Berlioz en particulier -, vous qui les défendez si bien ?
Bryan Hymel : Il y a quelque chose dans les voyelles françaises qui conviennent particulièrement bien à ma voix. Je ne sais pas exactement quoi, mais c'est indubitable ! (rires) La tessiture propre au répertoire français concorde également à mes possibilités vocales. Je me rappelle que, quand j'ai commencé à étudier l'air d'Arnold dans Guillaume tell il y a environ dix ans, il m'allait comme un gant ! Pendant mes études de chant, je connaissais mal la musique Berlioz, et je l'ai découverte quand l'Opéra d'Amsterdam m'a proposé le rôle d'Enée dans Les Troyens. Je me suis rendu compte que Berlioz convenait aussi très bien à ma voix et que j'étais né pour chanter Enée ! (rires) J'ai poursuivi avec le rôle de Faust dans La Damnation puis la partie de ténor dans son Requiem, deux ouvrages que j'adore.
Berlioz est plus - et souvent mieux - défendu par des chanteurs anglophones que français. Comment expliquez-vous cela ?
Je ne suis pas sûr... Je sais que c'est un répertoire difficile à chanter si votre voix n'est pas en accord avec cette tessiture haute qui caractérise le chant français. Je suis tellement honoré de pouvoir chanter Berlioz si souvent en France !
Vous venez d'incarner Pinkerton aux Chorégies d'Orange. Le répertoire italien semble de plus en plus prépondérant dans votre planning ?
J'ai toujours aimé le répertoire italien. En fait, je suis venu à l'opéra par là... en écoutant Tosca et Madama Butterfly. Les premiers airs que j'ai appris étaient « Recondita Armonia » dans Tosca et « La Donna é mobile » dans Rigoletto. J'adore chanter ces morceaux et je pense que c'est très sain pour ma voix de passer de l'italien au français. Le côté « serré » des voyelles françaises peut nuire à votre voix, et c'est important de retourner au caractère « ouvert » de la langue italienne.
Mais l'opéra français continue d'être la pierre angulaire de votre répertoire, celui que vous avez le plus de plaisir à chanter ?...
J'adore chanter le répertoire français et je continuerai à le faire durant toute ma carrière. Enée est certainement le rôle que je préfère, et je languis d'apprendre et d'interpréter celui de Raoul dans Les Huguenots de Meyerbeer, d'ici quelques saisons. J'aimerais aussi aborder Rodolfo dans La Bohème de Puccini...
Quels sont vos projets justement ?
Pour l'instant, je travaille intensément le rôle d'Arnold dans Guillaume Tell que je vais interpréter au Metropolitan Opera cet automne. Puis, j'irai à La Scala pour une Madama Butterfly, et ensuite à l'Opéra de Paris pour une série de Carmen. Mais le temps fort de la prochaine saison est ma prise de rôle de Don Carlo dans l'ouvrage éponyme de Verdi, en mai 2017, à la Royal Opera House de Londres. Je prépare également un nouvel enregistrement dédié au belcanto italien, que l'on gravera l'été prochain.
Interview réalisée par Emmanuel Andrieu en août 2016
Crédit photographique © Dario Acosta
19 août 2016 | Imprimer
Commentaires