Des salles sous couvre-feu, mais qui s'adaptent

Xl_opera-de-paris © DR

La rumeur le laissait entendre depuis déjà quelques jours et Emmanuel Macron le confirmait hier soir dans le cadre de son interview télévisée : dès samedi et pour une durée de quatre à six semaines, l’Île-de-France et huit métropoles (Aix-Marseille, Grenoble, Lille, Lyon, Montpellier, Rouen, Saint-Etienne et Toulouse) seront soumises à un couvre-feu interdisant tout déplacement ou presque entre 21h et 6h le lendemain – à l’exception notamment des déplacements professionnels, des impératifs de santé ou des contraintes de transport.

Si la mesure était attendue, elle touche évidemment de plein fouet un secteur culturel déjà fragilisé depuis plusieurs mois, notamment parce que les horaires de ce couvre-feu se révèlent bien peu compatibles avec les activités des salles de spectacles – qui devront être portes closes au plus tard à 21h, et de facto bien plus tôt pour permettre au public d’être de retour à son domicile avant l’heure fatidique.
Une mesure d’autant plus difficile qu’elle obère la bonne tenue de nombreuses productions attendues, que ce soit la Tétralogie de Wagner qui devait marquer une (vraie) reprise d’activité à l’Opéra de Paris ou l’envoûtant Dienstag aus Licht à la Philharmonie de Paris, le Werther qui doit ouvrir la saison de l’Opéra de Lyon, ou encore La Nonne sanglante à Saint-Étienne, la reprise du Ballet royal de la nuit à Lille, ou encore L'Italienne à Alger à Marseille, entre autres.

Aujourd’hui, les principaux acteurs du monde du spectacle vivants se disent tantôt dépités, tantôt abasourdis – notamment parce que depuis quelques mois, les salles de spectacles ont mis en place des protocoles très stricts pour accueillir le public dans les meilleures conditions sanitaires (parfois à grands frais), et que ces protocoles se révèlent manifestement efficaces (on n'y dénombre pas de cluster).

Pour autant, les salles de spectacles ne désarment pas. Les représentants du spectacle vivant sont reçus aujourd'hui au ministère de la Culture par la directrice générale de la création artistique Sylviane Tarsot-Gillery, et des discussions seraient actuellement en cours avec la ministre de la Culture Roselyne Bachelot (qui était hostile à cette mesure de couvre-feu, mais qui n’a donc manifestement pas obtenu gain de cause dans l’arbitrage présidentiel), notamment dans l’optique de dérogations qui permettraient à certaines salles d’exercer néanmoins leur activité presque normalement – la mesure est notamment réclamée à Paris par la maire Anne Hidalgo.

En attendant le fruit de ces négociations, les salles envisagent d’ores et déjà des adaptations et modifications d'horaires afin de proposer des représentations données plus tôt dans la soirée ou en matinée, notamment le weekend. Dans un courrier adressé aux abonnés de l’Opéra de Paris, Alexander Neef reconnait par exemple que les « décisions (gouvernementales) auront des conséquences importantes sur l’offre de spectacles de l’Opéra national de Paris », mais se dit aussi « déterminé à maintenir une offre répondant aux attentes de notre public » et indique poursuivre un « travail d’adaptation » et l’étude « en ce moment même de l’aménagement de (la) programmation » de l’établissement parisien. Même approche au Théâtre des Champs-Elysées, où Michel Franck précise « travaill(er) depuis ce matin à adapter la programmation afin de continuer à faire que le spectacle vivant le reste », ou encore à l’Opéra Orchestre national de Montpellier qui promet de détailler prochainement « les changements à venir de (sa) programmation ». La Philharmonie de Paris a d’ores et déjà annoncé des représentations données plus tôt pour respecter le couvre-feu, comme l’auditorium de Radio-France. L’Opéra-Comique indique par ailleurs déjà décaler le Concert Solidaire UNiSSON prévu samedi, pour le proposer finalement à partir de 17h, de même que l'Opéra de Lyon a décalé la représentation de son Heure espagnole samedi à 19h.

Depuis le début de la crise sanitaire, le monde de la culture a montré sa capacité d’adaptation. Gageons qu’il s’adaptera encore à ces mesures de couvre-feu. A noter toutefois que la France reste plus chanceuse que les Pays-Bas où le Concertgebouw et l'Opéra d'Amsterdam ont été contraints d'annuler toutes leurs représentations jusqu'au 11 novembre suite à l'annonce d'un confinement partiel faite par le Premier ministre, Mark Rutte. Cette mesure fait suite à une situation inquiétante dans le pays, et s'accompagne d'un quasi couvre-feu dès 20 heures.

Mise à jour du 16 octobre : L'Opéra de Montpellier a fait savoir hier que l'ensemble de ses spectacles est maintenu, mais que des changements d'horaires ont été effectués pour la plupart d'entre eux jusqu'à fin novembre. Les programmes de certains concerts ont également été retravaillés afin de réduire la durée de la soirée, en plus du changement d'horaire (voir sur le site de l'Opéra). Quant à l'Opéra Comique, il maintient les représentations d’Hippolyte et Aricie initiatement prévues du 12 au 22 novembre, mais a été contraint de changer les dates et les horaires des représentations, la Première étant notamment déplacée au 11 novembre à 15h (voir sur le site de l'Opéra). Enfin, l'Opéra de Lille a lui aussi annoncé des modifications d'horaires pour ses spectacles jusqu'à fin novembre.

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