Disparition de Jodie Devos : les hommages du monde lyrique

Xl_jodie_devos © Agence Intermezzo

La nouvelle fut un choc terrible, d’une grande violence, assommante, au point de laisser le monde lyrique en deuil et abasourdi : Jodie Devos est décédée ce dimanche 16 juin, arrachée si soudainement à la vie dont elle était pourtant l’une des plus belles ambassadrices. Les maisons d'opéra, les artistes et tous ceux l'ayant côtoyée lui rendent un hommage unanime.

La sidération de l’annonce n’a d’égal que la profondeur de la tristesse qu’elle engendre. Rarement on a vu autant de témoignages se multiplier sur les réseaux sociaux suite à une disparition – du moins d’artiste lyrique. Public, maisons lyriques, directeurs et directrices de ces maisons, agences, journalistes, artistes bien sûr, tous et toutes partagent leur peine, leur stupeur, leur incompréhension, mais aussi leur soutien aux proches et les souvenirs qu’ils et elles ont avec cette formidable artiste, l’une des plus talentueuses de sa génération. L’hommage est unanime et sincère.

Un deuil unanime parmi les institutions

Impossible bien sûr de recenser l’ensemble des témoignages, mais tous se regroupent : Jodie Devos était un sourire, une force lumineuse, un rayon de soleil. Tous s’accordent pour dire qu’elle illuminait la vie de ceux qui la côtoyaient. Parmi les institutions exprimant leur tristesse et leurs condoléances, La Monnaie, le Théâtre des Champs-Elysées, où elle était attendue cette semaine, par le biais de son directeur Michel Franck (« Jodie Devos était une lumière...et elle a désormais rejoint les étoiles, si tôt, si vite. Son sourire, sa gentillesse, ses aigus cristallins, sa présence unique, resteront à jamais dans nos mémoires. Sa Gabrielle dans la Vie Parisienne ou il y a quelques semaines encore la création mondiale d'Alex Nante sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées sont gravées dans l'histoire de notre Théâtre. A titre personnel, je lui suis redevable de nous avoir apporté tant de beauté, d'émotion et de soleil dans ce monde. Jodie, tu nous manques »), l’Opéra Comique, l’Opéra de Paris, de Montpellier, l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, l’Opéra de Dijon, l’Opéra de Monte-Carlo où elle était attendue en mars prochain (« Elle était non seulement une artiste exceptionnelle, mais aussi une âme généreuse et lumineuse, toujours prête à partager sa passion pour la musique avec un enthousiasme contagieux. Sa voix unique et son grand talent nous manqueront »), ou même encore des maisons non francophones, comme le Gran Teatre del Liceu.

Outre les maisons lyriques, les orchestres et ensembles se joignent à l’hommage, comme l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège (« C’est avec une immense tristesse que nous venons d’apprendre le décès de la soprano Jodie Devos, l’une des voix les plus exceptionnelles que la Belgique ait comptées depuis toujours »), Bel Air Classiques, Alpha Classic (« Cette nouvelle, si irréelle et si injuste, est profondément choquante pour nous tous. Jodie n'avait que 35 ans et au sommet de son talent. Nous savons combien elle était aimée par ses collègues, toute la communauté musicale et, bien sûr, le public »), l’agence Intermezzo (« Personnalité exceptionnelle, lumineuse et aimée de tous, son départ si soudain laisse un immense vide dans le cœur de tous ceux qui ont eu la chance de la connaître »), le Cincinnati Symphony Orchestra (« On se souviendra toujours de l'esprit, de l'enthousiasme, de la chaleur et de l'engagement de Jodie envers son art »), le Chœur de chambre de Namur (« Nous savions depuis quelques jours déjà que l’implacable destin faisait son œuvre. Il s’est désormais accompli, ce dimanche 16 juin : la soprano belge Jodie Devos, formidable étoile de la scène lyrique, est décédée des suites d’un cancer (…) Jodie nous quitte au même âge que Mozart, avec qui elle partageait une rare capacité à incarner toute la palette des sentiments humains avec la même souveraine pertinence, de l’émotion tragique au comique débridé (…) Il est de tradition de prétendre que nul n’est irremplaçable … mais c’est faux. Il existe des pertes irréparables, des cœurs inconsolables et des abîmes sans fond… ») et tant d’autres.

Les médias touchés eux aussi

Si les institutions lyriques sont particulièrement ébranlées par cette nouvelle, il en est de même pour les médias – dont Opera Online fait partie – qui transmettent la triste information : Medici.TV, RTBF info, Le Figaro, Telerama, ou bien sûr France Musique. La radio lui rendu hommage tout au long de la journée d’hier, entre publications, témoignages et programmation. Ainsi, les mots de Louis Langrée, directeur de l’Opéra-Comique, résonnent dès le début de matinée : « On avait beau le savoir, on est sidéré, on est triste, on est révolté. Il y a 15 jours, elle enseignait encore à la nouvelle Académie de l’Opéra Comique. Elle m’avait dit qu’elle voulait être un « miracle », qu’il y avait toujours des miracles, et qu’elle voulait continuer. Jusqu’au bout, elle a eu ce sourire, cet optimisme forcené. Et puis au-delà des difficultés, cette joie permanente… C’était quelqu’un qui avait en elle cette bonne humeur. C’était une collègue extraordinaire, c’était une chanteuse magnétique, et c’est quelqu’un qui emmenait tous ses collègues avec elle (…) Jusqu’au bout, il y avait cette lumière en elle. (…) Elle avait cette énergie qu’elle communiquait à chaque instant (…), cette qualité presque enfantine de l’émerveillement permanent, de la joie, de l’énergie ». Le directeur de la maison parisienne annonce d’ailleurs qu’un hommage se prépare salle Favart : « On est en train de mettre tout cela en place. Elle faisait partie de la maison, de la famille de l’Opéra Comique ». De son côté, Laurent Campellone dit « J'ai essayé, mais pour l'instant, je ne peux pas encore réécouter sa voix (…) Elle avait, en outre, cette élégance qu'ont les très grands artistes. Celle de dissimuler un très grand travail, pour que le public n'entende que la beauté ».

Arte Concert transmet également ses condoléances et rappelle le lien de La Vie Parisienne disponible en replay, dans laquelle nous pouvons encore l’entendre en formidable gantière. En hommage, le site remet également en ligne la finale du concours Reine Elisabeth, où la jeune cantatrice a remporté le 2e Prix.

Les témoignages des artistes

Naturellement, les artistes, amis et collègues de la – trop – jeune soprano s’expriment eux aussi sur les réseaux sociaux. Lisette Oropesa écrit ainsi « Je suis tellement triste de lire qu'elle s’en est allée... La belle Jodie Devos a été rappelée, mais si tôt. Son esprit vivra et on se souviendra d'elle si tendrement même ceux d'entre nous qui ne la connaissaient pas personnellement mais qui l'admiraient de loin. Repose en paix chère âme ». Florian Sempey témoigne également : « Jodie. Voix des anges, sourire du ciel, générosité du soleil. Mon cœur saigne, mes larmes coulent. Immenses souvenirs de chant, de scène et d’amitié avec toi.  Tant de rires, de joies en répétitions, de regards complices pendant les représentations. Tu manqueras terriblement à l’Opera et à nous tous.  Chante pour l’éternité et pour l’univers de l’autre côté. Ma voix chantera toujours pour toi ici-bas ». Mais il y a aussi Sylvie Brunet-Grupposo (« Ma chère Jodie…. Petite princesse partie trop tôt, si vite… Que ton âme si lumineuse soit reçue dans un monde de paix »), Eve-Maud Hubeaux au micro de France Musique, Barbara Hannigan, Renaud Capuçon, Leonardo García Alarcón qui publie un touchant hommage : « Aucune musique sur terre pourra exprimer le manque que ton absence provoque chez nous aujourd’hui, chère Jodie (…) Quelle erreur monumentale de la vie inattentive », mais il est vain de chercher à recenser l’ensemble des témoignages de tristesse qui, aujourd’hui encore, continuent de se multiplier sur les réseaux sociaux.

Bien sûr, ces hommages ne sont que la partie immergée de l’iceberg : la disparition soudaine de Jodie Devos touche le monde lyrique bien au-delà des frontières ou des corps de métier, professionnels et publics, personnalités ou anonymes – eux aussi sont extrêmement nombreux à témoigner de leur peine, leur incompréhension, leur colère face à la nouvelle.

Son décès ayant été soudain, il nous plonge tous dans un état de sidération depuis hier, et bien que les témoignages coulent à flot pour traduire la peine et l’incompréhension, il est à parier que d’autres suivront. On ne serait pas étonnée que d’autres institutions ou médias, à l’image de l’annonce de l’Opéra Comique citée plus haut, s’attèlent à un hommage sous forme de retransmission, de concert-hommage, ou encore de représentations dédiées comme ce fut le cas pour la Première d’Armide hier soir à l’Opéra Comique.

Il faudra au moins cela pour accepter le triste idée que Jodie Devos s’en est allée vers des cieux où sa voix pourra résonner éternellement.

Elodie Martinez

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