La jeune soprano belge Jodie Devos est décédée ce dimanche à l’âge de 35 ans, d’un cancer foudroyant. Sa disparition suscite une profonde tristesse, après une jeune carrière solaire qui aura marqué tous ceux l’ayant vue sur scène.
Sidération et profonde tristesse. Ce sont les termes qui viennent à l’esprit à la lecture de la nouvelle communiquée par Intermezzo, l’agence de la soprano belge Jodie Devos, « décédée, entourée de sa famille et de ses proches, ce 16 juin 2024 à Paris à l'âge de 35 ans des suites d'un cancer du sein qui l'avait contrainte à annuler plusieurs engagements récents. »
Sidération parce qu’en dix ans de jeune carrière, on retiendra de Jodie Devos l’énergie et la vitalité qu’elle insufflait à chacun de ses rôles. La révélation remonte à 2014, lors de sa participation au Concours Reine Elisabeth : manifestement extrêmement investie dans sa prestation, elle s’évanouira sur scène, victime d’un malaise vagal au premier tour, avant de susciter l’enthousiasme de la salle de Bozar pour finalement emporter le deuxième prix et le prix du public de la compétition. Le concours lui ouvrira les portes de nombreuses scènes européennes. La même année, elle intègre l’Académie de l’Opéra-Comique où elle remplace au pied levé Sabine Devieilhe dans La Chauve-Souris de Johann Strauss : l’occasion de « découvrir une épatante jeune soprano belge de 26 ans », une certaine Jodie Devos, « un nom à retenir » disait-on déjà à l'époque.
Que ce soit chez Rossini (où elle déploie « un bel aplomb vocal, faisant fi des difficultés de l'écriture de la musique ») ou chez Mozart (elle savait s’y « montrer délicieusement espiègle »), Jodie Devos se faisait remarquer par sa voix solaire et sa fraicheur, son charme et sa nature théâtrale. Elle étoffera rapidement son répertoire, avec notamment une prise de rôle remarquée dans Lakmé à Toulon, et puis une Adèle de fière allure dans Le comte Ory, elle se révélera délicieuse dans La nonne sanglante de Gounod, ou encore dans les fameuses Indes Galantes de Clément Cogitore à l’Opéra de Paris où elle était « simplement éblouissante de bout en bout, toujours vif-argent mais avec aussi toujours ce fruité dans le timbre qui séduit ». Elle se produisait dans les grandes œuvres de répertoire, mais se révélait aussi dans le répertoire contemporain – notamment dans On purge Bébé !en 2022, de Philippe Boesmans.
Jodie Devos se disait à l’aise sur scène (elle avait étudié la danse et travaillé avec des comédiens parallèlement à sa formation lyrique à l’Institut de Musique et de Pédagogie de Namur, suivi d’un Master of Art à la Royal Academy of Music de Londres), mais elle laisse aussi des enregistrements, à commencer par son premier disque, Offenbach Colorature avec Laurent Campellone, dédié au compositeur qu’elle affectionnait tout particulièrement et qu’elle chantait très régulièrement, suivi de And love said... qui la conduisait dans un répertoire radicalement différent, mais proche de ses premières amours.
Dans un long entretien accordé à Opéra Magazine fin 2021, Jodie Devos partageait ses aspirations : les rôles qu’elle rêvait encore d’interpréter, mais aussi « ouvrir un jour une résidence d’artistes à la campagne, mettre en scène des opéras originaux (...), être agent, faire de la production… ». Elle concluait : « Je n’aurai pas assez d’une vie ». Jodie Devos aurait dû chanter L'Olimpiade de Vivaldi dans quelques jours au Théâtre des Champs-Elysées, elle était annoncée cet été au Festival Berlioz ou la saison prochaine dans plusieurs maisons d’opéra. Elle s’est éteinte ce dimanche, à l’âge de 35 ans.
publié le 16 juin 2024 à 14h56 par Aurelien Pfeffer
16 juin 2024 | Imprimer
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