Un mois et demi après sa nomination à la tête de l'Opéra Orchestre National de Montpellier (voir notre brève du 7 décembre), Valérie Chevalier nous reçoit dans son bureau de l'Opéra-Comédie pour évoquer ses projets et ses ambitions pour l'institution languedocienne.
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Opera-Online : Quel a été votre parcours artistique ?
Valérie Chevalier : J'ai eu une formation musicale très tôt, dès mon enfance, en prenant d'abord des cours de flûte traversière, avant de me diriger vers le chant. J'ai plus tard obtenu un prix au conservatoire de Rouen, puis fait mes classes à l'Ecole d'Art Lyrique de l'Opéra de Paris, dirigée alors par Michel Sénéchal. Ensuite, j'ai fait une carrière d'artiste lyrique, essentiellement aux Etats-Unis, avant de passer « de l'autre côté », en devenant agent artistique. Puis, au bout de quatre ans, j'ai été contacté par Laurent Spielmann (Ndlr : le directeur de l'Opéra national de Lorraine) qui cherchait à pourvoir le poste de direction artistique, tant pour le lyrique que pour le symphonique, compétence que j'ai donc pu développer à Nancy, pendant près de dix ans.
OOL : Après les troubles internes qui ont agité la structure montpelliéraine – et qui ont entraîné le départ prématuré de l'ancien directeur Jean-Paul Scarpitta -, dans quel état d'esprit reprenez-vous les rênes de cette maison ?
VC : Pour l'instant, tout va bien, je rencontre au fur et à mesure l'ensemble des personnels, et je prends mon temps, car je n'arrive définitivement à Montpellier qu'au mois d'avril. Jean-Paul Scarpitta reste directeur artistique jusqu'en juillet, et finit d'élaborer la saison 2014-2015. Je vais bien évidement respecter ce qui a été décidé en conseil d'administration, donc gardé les titres qu'il a retenus, et nous réfléchissons ensemble à une éventuelle production supplémentaire, car quatre titres pour un opéra national, cela me paraît un peu juste... Sinon, j'ai surtout beaucoup d'ambition pour cette maison car elle a d'importants moyens - et donc un formidable potentiel -, avec un orchestre de 95 musiciens, deux salles dont l'Opéra Berlioz, qui a une ouverture de scène plus importante que celle de Covent Garden par exemple, ce qui rend possible des coproductions avec les plus grandes scènes internationales.
OOL : Vous reprenez la structure à un moment délicat puisqu'elle doit faire face à des restrictions budgétaires. Comment appréhender vous la situation ?
VC : Le budget pour l'Artistique sera d'environ 2,2 millions d'euros cette année. Pour vous donner un ordre d'idée, celui de Nancy (Ndlr : dont Valérie Chevalier occupe encore le poste de Directrice artistique) est de 3,5 millions, et avec cet argent, j'arrive à monter sept productions - ou coproductions - par an. A Montpellier, j'espère faire monter à cinq le nombre de titres la saison prochaine, notamment en allant chercher des partenaires afin d'alléger les coûts de production. Bref, je cherche des solutions pour augmenter la part du budget artistique – en faisant par ailleurs des économies là où c'est possible -, car ça reste le vrai projet artistique et la finalité de n'importe quelle maison d'opéra !
OOL : Quelles vont être vos priorités maintenant que vous avez pris vos fonctions ?
VC : Pour commencer, intégrer la production annuelle d'Opéra Junior dans la saison de l'Opéra. Je tiens beaucoup à développer cette structure, en proposant aux enfants qui la compose une formation toujours plus exigeante, et en allant les chercher dans toutes les couches de la société, et pas seulement la classe supérieure. On a deux services pédagogiques extrêmement actifs qui vont travailler ensemble à cet effet.
La seconde priorité est de trouver un directeur musical pour l'Orchestre – mais également un assistant à l'année –, et on va lancer, dès le printemps, un appel d'offre, pour pouvoir le nommer à l'automne. Dans un premier temps, il aura le statut de chef « désigné », le temps pour lui de donner des orientations de travail à l'orchestre, d'effectuer d'éventuels réajustements au sein de celui-ci, puis qu'il « attaque » vraiment avec ma première saison artistique en 2015-16.
Enfin, je souhaite créer des partenariats, pour une vraie synergie, avec les autres structures culturelles de la ville, notamment le Centre Dramatique National de Montpellier, que Rodrigo Garcia dirige désormais - et que je connais bien -, ainsi que Montpellier Danse, dirigé par Jean-Paul Montanari.
OOL : Quels types de répertoires comptez-vous privilégier ?
VC : L'opéra de Montpellier a longtemps été – principalement sous le mandat de Henri Maier – un des principaux tremplins en France pour la musique baroque, et il faudrait en effet revivifier cela, mais le problème du répertoire baroque est qu'il s'avère très coûteux : les productions sont généralement importées, et avoir un orchestre baroque dans une fosse, c'est minimum 150.000 euros de budget... Là aussi on doit - pour se donner les moyens de ses ambitions - se joindre à d'autres structures, c'est tout simplement incontournable à l'heure d'aujourd'hui...
OOL : Quelle question auriez-vous aimé que je vous pose, et à laquelle je n'ai pas pensé pour cette interview ?
VC : Si je quitte avec regret Nancy, alors que cette maison marche très bien ? (rires) Forcément un peu après y avoir passé dix ans, mais je me sens très bien accueillie et soutenue ici à Montpellier. Je sens vraiment que les équipes ont envie de changer de projet, et le personnel se livre à moi, a vraiment envie que les choses se passent bien entre nous, et moi aussi avec eux. Pour l'heure, je suis tout simplement dans la phase de la rencontre humaine...
Propos recueillis par Emmanuel Andrieu, le 21 janvier 2014
Crédit photographique : © DR
28 janvier 2014 | Imprimer
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