Opéra le plus joué au monde, Carmen de Bizet continue d’attirer les foules et chaque production demeure un rendez-vous attendu du public. Alors quand l’une d’elle offre le rôle-titre à Marie-Nicole Lemieux face à Jean-François Borras (Don José), Ildebrando D'Arcangelo (Escamillo) et la très prometteuse Alexandra Marcellier (Micaela), dans la mise en scène de Jean-Louis Grinda, comment résister ?
C’est peut-être la question que se sont posée les spectateurs ayant répondu présents en masse lors de sa représentation dans le cadre des Chorégies d'Orange cette année. Le succès populaire était significatif, au point d'attirer plus de 7 000 amateurs dans les gradins du Théâtre Antique d'Orange ! Un nombre qui s'explique aussi du fait que le festival ne proposait cette année qu'une seule production lyrique, pour une représentation unique. Toujours est-il qu’on se réjouit de la diffusion de la captation de la production ce soir vendredi 28 juillet à partir de 21h sur France 5, dans le cadre de la programmation « L’été des festivals » de France Télévisions.
Une mise en scène à la fois traditionnelle et violente
Pour Jean-Louis Grinda : « Carmen est généralement vue comme l’archétype de la femme revendiquant sa liberté ; et Don José est la victime quasi innocente au mieux d’une femme fatale, mais, le plus souvent, d’une garce ! Mais voilà, la simplicité est dangereuse tant elle édulcore les propos les plus subtils. Carmen n’est pas une garce ni une prostituée. C’est une fille, jeune, qui tombe amoureuse comme elle respire. Elle ne demande rien à personne et encore moins à Don José, garçon violent ayant dû se réfugier dans l’armée suite à une rixe dans son village. Carmen sera la victime de sa violence possessive. Cette jeune femme se fait assassiner parce qu’elle aime et qu’elle n’y peut rien. Alors oui, Carmen est fatale en ce sens qu’elle brûle qui la touche tout en se consumant elle-même, mais elle est aussi une source fraîche offerte à qui veut se désaltérer. Cela, Escamillo l’aura bien compris et c’est lui qu’elle aimera à la folie : personne n’échappe à Carmen, pas même elle ! »
Un point de vue qui nous avait convaincu lorsque nous avions assisté à la production déjà donnée à Toulouse en 2018, puis une nouvelle fois en 2022, ou encore à Monte-Carlo en 2020. Le travail du metteur en scène cerne et rend admirablement la violence de l’œuvre tout en jouant avec raison les cartes du dépouillement dans la scénographie : point de clinquant inutile ici, mais un travail très cinématographique dans son esprit qui « ne laisse ainsi rien perdre de l’intensité du drame ». Une production qui nous avait marqué : « rarement l’essentiel aura été dit ainsi, sans la moindre périphrase ».
Une distribution cinq étoiles
Comment ne pas se précipiter également à l’annonce de la Québécoise Marie-Nicole Lemieux dans le rôle-titre ? « Personne au monde ne chante ce rôle et n’incarne Carmen avec cette spécificité », selon les mots de Jean-Louis Grinda. C’est d’ailleurs avec cette mise en scène que la cantatrice offrait au public toulousain sa prise de rôle scénique en 2022 (bien qu’elle ait malheureusement dû être remplacée sur plusieurs dates pour des raisons sanitaires). Nous gardons toutefois encore de très beaux souvenirs de sa prise de rôle au Théâtre des Champs-Elysées, alors dans une version mise en espace dans laquelle elle avait su briller en février 2017. Nul doute qu’avec son tempérament lumineux, l’immense talent qu’on lui connaît, ou encore sa voix chaude et ensorcelante, elle n’ait eu aucun mal à charmer le public d’Orange.
Jean-François Borras connaît lui aussi la production pour l’avoir intégrée à Monte-Carlo, alors face à Aude Extrémo. Notre collègue écrivait alors ne pas avoir « vu et entendu de Don José plus crédible depuis Roberto Alagna ». Il avait alors incarné « un Don José aussi bouleversant dans son amour que saisissant dans ses accès de rage, dont l'éclat paroxystique dans la scène finale, d’une violence quasi insoutenable, nous a littéralement glacé les sangs ! »
Quant à Alexandra Marcellier, si son nom est peut-être encore peu connu, elle n’en demeure pas moins un jeune talent, ainsi que peut l’attester le public monégasque qui l’a découverte lors du remplacement en dernière minute d’Aleksandra Kurzak dans le rôle-titre de Madama Butterfly en novembre 2021. Un talent à suivre, que nous retrouvons donc avec plaisir sur la scène des Chorégies d’Orange après qu'elle eut étrennée le rôle de Micaela à Marseille en février dernier, dans cette même production.
Mentionnons aussi la jeune danseuse de flamenco Irene Olvera (aujourd’hui âgée de 15 ans), qui impressionne par la maîtrise de son art dans le cadre de la production.
Autant dire que tout est réuni pour ne pas hésiter sur le programme de la soirée, entre oeuvre incontournable, interprètes de choc et mise en scène sobre et intéressante : rendez-vous à 21h sur France 5, puis en replay sur la plateforme France.tv !
28 juillet 2023 | Imprimer
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