On se souvient que, comme de nombreuses autres salles dans le monde, le Metropoitan Opera de New-York avait clot ses portes plus tôt que prévu, le 12 mars dernier, après avoir été contraint « d'annuler ses répétitions et représentations du fait de la pandémie mondiale de la Covid-19 ». Le Met espérait alors pouvoir reprendre ses activités au 31 décembre 2020. Manifestement, il n'en sera rien : l'institution new-yorkaise annonce l'annulation de la totalité de sa saison 2020-21. Un choc dans l'univers lyrique, au regard du poids de la maison new-yorkaise, et qui fait craindre que d'autres institutions culturelles soient contraintes de suivre le même exemple – pour mémoire, voici quelques semaines, le docteur Anthony Fauci (membre de la cellule de crise de l'administration Trump sur le coronavirus) avait évoqué une fermeture des salles de spectacles « jusqu’à fin 2021 voire au-delà », avant de se raviser suite à l’incrédulité des principaux acteurs du monde du spectacle outre-Atlantique. La réalité sanitaire pourrait finalement lui donner raison.
Car les motivations d'une telle annulation sont évidemment sanitaires et liées à la pandémie de la Covid-19 toujours en cours. Après avoir consulté les autorités de santé publique, le Met a décidé qu'il n'était pas sûr de reprendre ses activités tant qu'un vaccin contre le coronavirus n'aura pas été largement administré au sein de la population. Selon l'institution, il faudrait patienter environ cinq à six mois après la mise à disposition d'un vaccin. Et Andrew Cuomo, gouverneur de l'Etat de New York, n'a toujours pas autorisé la reprise des spectacles en intérieur, y compris en jauge réduite.
Au-delà de l'aspect sanitaire, la décision aura aussi des conséquences financières lourdes, puisque les pertes du Met depuis sa fermeture en mars dernier s'élèveraient à 154 millions de dollars. Selon le directeur général du Met Peter Gelb, il s'agit là de « la période la plus difficile » qu'ait connu l'Opéra au cours de ses 137 années d'existence, fragilisant l'institution que certains voyaient jusqu'alors inébranlable.
Suite à ce constat financier, Peter Gelb souhaite maintenir l'excellence de la maison lyrique dont il est à la tête depuis quatorze ans, mais il sait qu'il faudra « réduire globalement (ses) coûts ». Si depuis avril, environ mille membres du personnel sont au chômage technique (conservant leur couverture social, mais ne touchant plus aucun salaire), le directeur a d'ores et déjà lancé un appel aux syndicats afin de négocier une nouvelle convention collective, qui incluerait notamment une baisse de salaire notable sur le long terme. Toutefois, le syndicat AGMA (qui représente plusieurs corps de métier de l'opéra) a déjà réagi en indiquant que « le Met semble déterminé à profiter de cette période pour éviscérer nos contrats et ceux d'autres employés syndiqués », ajoutant que « la situation individuelle et familiale de nos membres deviendrait intenable financièrement ».
Des propos similaires sont tenus par les représentants de l'Orchestre du Met Opera, sans revenu depuis mars dernier et qui pourraient donc le rester jusqu’en septembre 2021 – l’Orchestre regrette surtout de ne pas avoir été impliqué dans les activités numériques du Met (comme la série de concerts des Met Stars) qui auraient permis aux musiciens de travailler dans des conditions adaptées. Toujours selon les représentants de l’Orchestre, « acter qu’il faut réduire les coûts salariaux n’est pas une solution viable et pérenne pour l’avenir ».
Enfin, seul motif de satisfaction dans le contexte actuel : le Met connait un afflux de dons important, comptant notamment 30 000 nouveaux donateurs – un résultat encourageant lorsque l'on sait que le mécénat est la principale source de revenu du Met, dont le budget atteignait 312 millions de dollars en 2018-2019. Reste à déterminer si les contributions des mécènes seront suffisantes, et comment l'institution entend conserver un lien avec son public durant cette saison 2020-2021.
24 septembre 2020 | Imprimer
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