Comme nous l’écrivons dans notre recension de La Traviata actuellement donnée à l’Opéra national de Bordeaux, où Kévin Amiel alterne avec Benjamin Benrheim dans le rôle d’Alfredo, le jeune ténor toulousain « témoigne de progrès fulgurants » depuis ces deux ou trois dernières années. Une bonne raison d’aller à sa rencontre…
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Opera-Online : Comment la musique est-elle entrée dans votre vie ?
Kévin Amiel : La musique a toujours fait partie de notre vie dans la famille : on se dispute et deux secondes après, on chantonne, mais ce n’était pas du classique ou de l’opéra. Du côté de mes grands-parents paternels, ils connaissaient Luis Mariano ou Placido Domingo, et du côté maternel c’étaient plutôt les Zarzuelas, toujours avec Domingo. Mes parents, eux, c’était plus de la variété ou toutes sortes de musiques, du Rock à la Variété française, en passant par la Pop ou encore le Jazz : Sinatra, Streisand, Dion, ou encore Goldman, Pagny, Sardou, Ferré etc. Lors d’un dîner avec Yvan Cassar, je lui ai dit « Sans votre album « Baryton » avec Florent Pagny, et sans le pari de chanter à la fête du collège, je ne serais peut-être pas là aujourd'hui… ». J’ai la ferme conviction que tout mène à tout, surtout en musique. Par la suite, la première personne à m’avoir entendu m’a révélé que j’étais ténor, non pas baryton, et mon premier professeur me fit découvrir Luciano Pavarotti dont je suis tombé immédiatement amoureux !
Depuis, la musique rythme ma vie, non seulement au travail, mais aussi quand je fais le ménage ou du sport : Opéra, Rock, Jazz, Variété Française et International... En ce moment j’écoute beaucoup Loïc Nocet, j’aime son univers musical et sa voix. Bref, je suis polyvalent en musique et c’est une vision que défendait aussi Pavarotti, la musique n’appartient pas à une seule personne mais à tous, et elle doit se mélanger !
Vous étiez nominé dans la catégorie « Artistes lyriques » aux dernières Victoires de la Musique Classique. Quelle importance cela avait-il pour vous ?
Pour être honnête, chaque étape est une aventure, celle des Victoires s’est un peu imposée à moi et j’ai décidé de la vivre sans trop me poser de question. Je n’attache pas trop d’importance à un trophée qui aurait fini au domicile familial… c’est certes une reconnaissance du métier, mais cela ne définit pas vraiment ma carrière. Je considère que mes victoires, ce sont chaque projet, contrat ou collaboration, et surtout l’accueil du public et la fierté de ma famille et de mes amis ! Je n’accorde pas trop d’importance au matériel, mais à l’émotion que procure une aventure nouvelle. Les Victoires furent ainsi surtout l’occasion de chanter à nouveau, de rencontrer ou revoir les collègues avec qui je partage la même passion, et c’est le plus important à mes yeux !
Ces deux dernières saisons, vous avez chanté les rôles d’Alfredo et de Nemorino au Théâtre du Capitole de Toulouse. Cela a été une fierté pour vous de fouler les planches du théâtre lyrique de votre ville natale dans un rôle de premier plan ?
Je m’y suis d’abord produit à l’âge de 19 ans dans La Périchole : Nicolas Joël m’a offert cette chance... Quoi de plus important donc que de refouler les planches de ma ville Natale, Toulouse, avec les rôles que j’aime le plus, Alfredo et Nemorino. D’autres sont en préparation, mais chut pour l’instant… Avec Christophe Ghristi, cela fonctionne bien et j’ai beaucoup de chance qu’il dirige cette maison !
Vous chantez actuellement ce même rôle d’Alfredo à l’Auditorium de Bordeaux. Que pouvez- vous nous dire à la fois de votre personnage et de la production de Pierre Rambert ?...
Armand Duval dit Alfredo Germont est un jeune homme amoureux de Marguerite Gautier dite Violetta Valéry, et il n’est pas du tout idiot et naïf comme beaucoup de mise en scènes aiment à traiter le personnage. C’est simplement un jeune homme de bonne éducation et avec une aisance financière qui tombe amoureux d’une jeune parisienne dont la luxure, la fête, l’alcool et le reste rythment sa vie, en plus d’une maladie qui la ronge... C’est un personnage qui est tiraillé entre cet amour délirant et nouveau, et l’emprise de son père. C’est un personnage joyeux, triste, colérique, vengeur, combattant, digne et parfois il perd la face : il est tout simplement un être humain amoureux !
Quand je travaille un rôle, je l’aborde de prime abord comme un acteur et non comme un musicien, je lis le roman ou la pièce dont l’opéra est tiré dans la mesure du possible, et je m’intéresse à ce que ressent le personnage et à ce que je pourrais ressentir moi-même à sa place. C’est ainsi que travaille Pierre Rambert, il ne vous fait pas vous déplacer sans raison, il réfléchit à une vraie direction d’acteurs, et exige de nous que nous vivions du plus profond de notre âme ce que nous disons, et que les choses soient spontanées et profondément ressenties. Pour ma part, j’adore cette collaboration, il est adorable, à l’écoute, et ça va vite… Pour mon premier Alfredo, je ne pouvais rêver mieux en termes de costumes et de décors… une magnifique Traviata !
Comment avez-vous vécu le confinement ? Quel impact a-t-il eu sur votre agenda et comment voyez-vous le futur proche ?...
Il n’est pas difficile de prendre du temps pour soi à partir du moment où c’est un choix, mais dans ce cas, non seulement ce n’était pas un choix personnel, mais en plus je n’ai pas été maître de la situation, comme quand je prends une décision pour tel ou tel projet… On ne sait pas de quoi l’avenir sera fait et tout peut basculer d’un moment à l’autre, ce qui provoque anxiété et stress. D’autres ont bien vécu ce temps particulier, l’occasion pour certains de retrouver les plaisirs de la vie… Pour ma part, je me suis dédié à la musique, à l’écriture, au sport, à la lecture, et à la cuisine, mais il faut dire que je suis un bourreau de travail… plus d’un mois inactif et je tourne en rond comme un lion en cage ! (rires)
Pour le reste, je n’ai pas eu autant de malchance que d’autres, car mes contrats et auditions à l’étranger étaient déjà accomplis, et les contrats déjà signés m’ont été payés pour la majorité. Certains autres ont été déplacés ou ont même ouvert la porte à d’autres demandes impossibles à honorer pour cause d’agenda discordant. Des concerts ont été rajoutés, et mon début de saison 20/21 est même surbooké, et si ça se calme un peu par la suite, ma carrière n’est pas tellement amputée pour autant. Je suis aussi parrain du festival des Eurochestries et nous préparons déjà la prochaine édition de l’été 2021, ce qui ajoute du travail personnel en plus des projets personnels que je mûris pour l’avenir. La sonnette d’alarme n’est pas encore tirée pour ma part, mais un long combat pour les droits des artistes et leur statut vient de s’ouvrir !
Propos recueillis en septembre 2020 par Emmanuel Andrieu
Crédit photographique © Océane Amiel
22 septembre 2020 | Imprimer
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