Alors que la saison actuelle touche à sa fin, l’Opéra national de Bordeaux annonce la programmation 2024-2025 qui attend son public. Une saison ouverte sur le monde, qui réserve bien des surprises entre opéras de répertoire, création et autres œuvres méconnues, voire rarissimes...
Lors de sa prise de fonction à la tête de l’Opéra National de Bordeaux, Emmanuel Hondré avait notamment défendu la portée citoyenne de la culture et présenté un programme faisant la part belle à l’ouverture. Si l’établissement bordelais souffre encore de tensions sociales en interne, la maison a manifestement stabilisé sa situation financière (concluant sa saison 2023-24 avec un léger bénéfice et des subventions publiques sensiblement augmentées) et la saison 2024-2025 qui s'annonce affiche un éclectisme devant faire la démonstration que « l’opéra est (...) un lieu de carrefour des cultures, un lieu qui réunit et qui s’ouvre au monde ». Pour 2024-2025, l'Opéra de Bordeaux fait effectivement le pari d’œuvres méconnues, voire rarissimes, créant de véritables événements comme le sera sans doute sa première production lyrique. Le grand répertoire n’en sera pas pour autant délaissé, de même que l’opéra contemporain. De quoi piquer la curiosité des amateurs du genre.
L’évènement d’une rareté : Le Pavillon aux pivoines par la troupe d’opéra kungu de Shanghai
Pour ouvrir la saison lyrique, l’Opéra propose Le Pavillon aux pivoines, le grand chef-d’œuvre de l’opéra traditionnel kunqu. Il s’agit de la plus vieille forme d'opéra chinois qui soit encore jouée. Par ailleurs, le kunqu a été proclamé en 2001 puis inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'Unesco en 2008. Il est considéré comme le genre le plus raffiné du théâtre-opéra chinois et désigne les pièces écrites sur le style musical du shuimodiao (chinois 水磨调, littéralement « chant moulu à l'eau »), né vers 1540. Devenu excessivement raffiné, le genre perd de sa popularité au profit de l’Opéra de Pékin avant de connaître une renaissance au XXe siècle. On comprend donc que le kunqu obéit à une longue tradition. Aujourd’hui, seules cinq troupes existent à Pékin, Nankin, Shanghai, Hangzhou et Chenzhou.
La venue d’une de ces troupes – celle de Shanghai – à Bordeaux fait donc figure d'événement, proposé dans le cadre de l’Année franco-chinoise du tourisme culturel et de l’anniversaire des 60 ans du festival Croisements organisé par l’ambassade de France en Chine. Quant au Pavillon aux pivoines, il n’a pas été donné en France depuis 1999 ! Cet opéra poétique et symbolique a été composé en 1598 par le poète chinois Tang Xianzu. Il se compose de trois parties qui « peuvent se voir séparément ou au contraire comme un récit complet ». Selon l’Opéra, « on a souvent comparé ce récit mythique au célèbre Roméo et Juliette écrit lui aussi par Shakespeare en 1597 ; ou à Orphée et Eurydice de Monteverdi composé légèrement plus tard (1607) qui marque la naissance de l’opéra en Europe… Les trois grands récits racontent l’amour qui résiste à l’éloignement de la mort, avec une même poésie suggestive et des moments de suspension proprement magiques. »
Autres raretés et création
Bien que moins exceptionnel, Il Cappello di paglia di Firenze (Le Chapeau de paille d’Italie) de Nino Rota – compositeur indissociable de la filmographie de Federico Fellini – est aussi une vraie rareté dans l’Hexagone. Inspiré du vaudeville Un chapeau de paille d’Italie d’Eugène Labiche, cette farce conte les déboires de Fadinard dont le cheval mange le chapeau de paille d’une jeune femme « en tendre conversation avec son amant. Ce couple le suit jusque chez lui et refuse de quitter les lieux tant que Fadinard n’aura pas remplacé le chapeau par un autre identique car Anaïs a un mari jaloux, qui s’étonnerait de cette disparition… » Cette nouvelle production sera mise en scène par Julien Duval.
Le même mois, c’est une autre nouvelle production (réalisée dans le cadre du programme « zéro achat » de l’Opéra National de Bordeaux) et une création qui sera elle aussi donnée : Les Sentinelles, de Clara Olivares (en coproduction avec l'Opéra-Comique et l'Opéra de Limoges). L’œuvre raconte « comment la relation entre une mère et sa fille surdouée se dégrade au contact de deux autres femmes qui forment un duo en mal d’amour. Durant l’opéra, le jeu amoureux entre les personnages se complexifie et la fille surdouée quitte l’image de l’enfant souriante qu’elle était… Relations amoureuses, non-dits redoutables, stratégies destructrices, et éternelle jalousie : le huis clos se construit sous les yeux de l’enfant qui reste énigmatique. À l’image de « sentinelles », les trois femmes tentent pourtant, chacune à leur manière, d’accompagner et de protéger l’enfant. Elles retrouvent toutes les quatre une forme d’espoir et d’équilibre éphémère. » Dirigée par Lucie Leguay et mise en scène par Chloé Lechat, la production réunira Anne-Catherine Gillet, Sylvie Brunet-Grupposo, Camille Schnoor et l’actrice Noémie Develay-Ressiguier.
Enfin, Le Docteur Miracle, qui est l’une des premières œuvres de Bizet, sera proposée en version de concert avec, entre autres, Dima Bawab, Héloïse Mas et Thomas Dolié. Une soirée qui fera écho au concert « Florilège Bizet » proposé plus tard dans la saison par Marc Minkowski et Les Musiciens du Louvre, accompagnés par Eugénie Joneau et Quentin Desgeorges.
Des opéras plus familiers
En janvier et février, l’Opéra de Bordeaux reprendra la production de Norma créée à Toulouse par Anne Delbée et dont nous rendions compte alors. Après y avoir tenu le rôle d’Adalgisa, Karine Deshayes endossera ici celui de Norma, tandis que c’est à Olga Syniakova qu’incombera la tâche d’interpréter Adalgisa, et à Jean-François Borras celle de chanter Pollione.
Fidelio sera pour sa part donné dans une nouvelle production mise en scène par Valentina Carrasco qui « a souhaité inclure dans le chœur de chanteurs professionnels, un groupe de personnes placées sous main de justice, suivies par le Service pénitentiaire d’insertion et de probation de la Gironde. Ce programme a été mené tout au long de la saison, donnant aux personnes condamnées de nouvelles perspectives d’insertion ». Jacquelyn Wagner et Jamez Mccorkle formeront le fameux couple face au Rocco de Matthew Rose, la Marzelline de Polina Shabunina ou encore le Jaquino de Kevin Amiel.
Le Barbier de Séville sera lui aussi présent dans cette programmation 2024-2025, mais pas forcément sous la forme que l’on attend. En effet, la nouvelle édition de l’Académie de l’Opéra National de Bordeaux proposera une « adaptation libre, moderne et fantaisiste » de l’œuvre après plusieurs mois de travail et de réflexion « dans l’esprit d’un grand atelier collaboratif ».
Autre œuvre proposée dans un format non « conventionnel » – bien que l’on soit y à présent habitué – L’Elixir d’Amour deviendra Un Elixir d’Amour, sous forme d’opéra participatif, en coproduction notamment avec le Théâtre des Champs-Élysées où le public a pu le voir en 2021.
De Grandes Voix toujours présentes
La saison sera enrichie par plusieurs récitals « Grandes Voix » qui permettront au public d’entendre certains des plus grands interprètes actuels. Ainsi, le 4 octobre, le baryton allemand Matthias Goerne ouvrira le bal de ces concerts par l’art du lied. Puis viendront Florian Sempey le 21 novembre avec un « hommage aux figures shakespeariennes et légendaires dans ce programme qui réunit les airs parmi les plus virtuoses pour baryton », et Patricia Petibon le 10 février avec une « programmation originale, de Marin Marais à Yann Tiersen, en passant par Poulenc, Satie, De Falla et Barber ». Enfin, le 15 mai, Stéphane Degout et Sabine Devieilhe se retrouveront avec l'ensemble Pygmalion et Raphaël Pichon pour le Requiem de Fauré, la Marche funèbre pour la dernière scène d’Hamlet de Berlioz ainsi que des extraits de Hamlet d’Ambroise Paré, œuvre dans laquelle ils avaient particulièrement brillé à l’Opéra-Comique.
D’autres concerts et rendez-vous viendront bien sûr s’ajouter encore à ceux déjà cités, faisait de cette saison 2024-2025 une saison de tous les plaisirs.
Plus d’informations sont disponibles sur le site officiel de l’Opéra.
11 juin 2024 | Imprimer
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