Le monde de la culture berlinoise se mobilise contre les menaces de coupes budgétaires

Xl_le-monde-de-la-culture-berlinoise-se-mobilise-contre-les-coupes-budgetaires © Christian Thielemann, Kirill Petrenko, Joana Mallwitz

Afin de limiter son endettement, le Land de Berlin entend imposer des coupes budgétaires aux acteurs locaux de la culture. Emmenés par Kirill Petrenko, Joana Mallwitz et Christian Thielemann, ils se mobilisent pour l’empêcher et rappellent le dynamisme économique généré par la culture. 

Le Land de Berlin est endetté et la ville-Etat allemande se dit contrainte à des mesures d’économies drastiques. Le 19 septembre dernier, les élus berlinois recevaient les représentants locaux du monde de la culture pour leur indiquer qu’ils devraient en prendre leur part : le budget de la culture à Berlin doit être réduit de 110 à 150 millions d’euros en 2025, puis de nouveau d’un montant similaire en 2026.

Aujourd’hui, les salles d'opéra et de concert de Berlin, les orchestres, les chœurs et le Staatsballett se mobilisent pour appeler le Sénat de Berlin à ne pas appliquer ces coupes budgétaires dans le secteur culturel. Avec le soutien des principaux opéras et théâtres de la capitale allemande, l’appel est incarné par trois figures majeures de la culture berlinoise : les chefs Kirill Petrenko à la tête des Berliner Philharmoniker, Joana Mallwitz du Konzerthausorchester et Christian Thielemann, le directeur musical du Staatsoper Unter den Linden.

La culture, moteur de l’activité berlinoise

Dans une lettre ouverte relayée par le Staatsoper Unter den Linden, le secteur s’inquiète de coupes budgétaires jugées contreproductives. Les réductions de budget envisagées ne pèseraient que 2,1 % du budget total de l'État de Berlin, mais auraient des conséquences significatives sur l’image de la ville de Berlin et son économie.

« (...) la culture est un secteur économique important, notamment en terme d’emplois dans les milieux créatifs tout comme dans le tourisme. Il est prouvé que plus de la moitié des visiteurs de Berlin viennent dans la ville pour son offre artistique et culturelle. Des coupes dans la culture réduiraient fortement cette offre et entraîneraient un manque à gagner massif pour l'ensemble de la ville de Berlin.

Des coupes budgétaires représenteraient en outre une menace existentielle pour de nombreux artistes, groupes et scènes indépendants qui ont jusqu'à présent marqué la vie culturelle de cette ville d'une manière unique au monde et sans la participation desquels des productions importantes ne pourraient pas être réalisées dans les salles de concert et les opéras.

Les acteurs culturels de cette ville sont solidaires pour éviter les coupes dans le secteur culturel et ne veulent pas être contraints à une lutte interne pour la répartition de ces moyens. (...) »

Les acteurs de la culture rappellent notamment que 8,2% de la population active de Berlin travaille dans le secteur culturel. Plus largement, les 29 institutions de l'Union des théâtres du Land de Berlin accueillent à eux-seuls quelque trois millions de visiteurs par an dans leur salle. Le monde de la culture contribue par ailleurs à l’activité de nombreux autres secteurs économiques, parmi lesquels l'hôtellerie et la restauration, le tourisme, les transports urbains ou le commerce de détail. En d’autres termes, la culture contribue significativement à l’attractivité et au rayonnement, et les coupes budgétaires envisagées pourraient avoir des conséquences sur l’économie de la capitale allemande. 

Préserver l’excellence artistique de Berlin

C’est ce que soulignent également quelques-uns des principaux acteurs de ce monde culturel berlinois. Toujours dans cette lettre ouverte, la cheffe Joana Mallwitz considère qu’il est aujourd’hui « déterminant de renforcer la cohésion de la société et donner un sens positif à l’identité culturelle » berlinoise. Elle poursuit : « notre objectif doit donc être de rendre l'accès à la musique et à la culture toujours plus facile », or elle estime que « des coupes dans le budget de la culture affecteraient non seulement les entreprises culturelles, mais mettraient aussi en péril la cohésion sociale ».

De son côté, Kirill Petrenko estime essentiel de « préserver la diversité culturelle extrêmement riche de Berlin et de continuer d’attirer les meilleurs talents dans toutes les disciplines ». Il estime dès lors dangereux de « modifier les fondations financières de nos institutions, et plus encore de remettre en question leur existence ».

Enfin, pour Christian Thielemann, « la scène musicale classique berlinoise est sans égal et reconnue mondialement ». Au-delà des concerts donnés dans la ville, le chef estime aussi que c’est grâce au dynamisme de la culture locale que « Berlin est synonyme d'excellence avec nos tournées et nos diffusions médiatiques ». Et de conclure : « les politiciens veulent-ils vraiment permettre qu’un message aussi dévastateur soit envoyé de Berlin au reste du pays ? »

Les principaux directeurs et directrices d’institutions culturelles berlinoises (parmi lesquels Philip Bröking et Susanne Moser du Komische Oper Berlin, Sebastian Nordmann du Konzerthaus Berlin, Dietmar Schwarz du Deutsche Oper Berlin, Elisabeth Sobotka du Staatsoper Unter den Linden, Christian Spuck du Staatsballett Berlin, Anselm Rose du Rundfunk Orchester und Chöre, Georg Vierthaler du Stiftung Oper in Berlin et Andrea Zietzschmann du Stiftung Berliner Philharmoniker) signent également une déclaration commune selon laquelle « la culture est le cœur de Berlin – elle attire des visiteurs du monde entier, est un facteur économique important, crée des emplois et rend notre ville agréable à vivre. Les institutions culturelles de notre ville ne sont pas seulement des lieux d'art au rayonnement international, elles sont également nécessaires au maintien des sites économiques de Berlin. Une chose est claire : des coupes dans le secteur culturel nuiraient massivement et durablement à la ville de Berlin. »

Une pétition en ligne est également ouverte et recueille déjà plusieurs milliers de signatures, parmi lesquelles celles de Daniel Barenboim, Annette Dasch, James Gaffigan, Vladimir Jurowski, Barrie Kosky, Camilla Nylund, Thomas Ostermeier, Sir Simon Rattle, Milo Rau, Sir Donald Runnicles, Doris Soffel ou Rolando Villazón, entre autres.

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