Licenciement économique : l'Opéra de Toulon touché en plein chœur

Xl_opera_tousalopera_mg_5446hh_0_1 © https://toulon.fr/

Ce n’est un secret pour personnes que les finances publiques ne sont pas au beau fixe, et que le secteur culturel en est bien souvent l’une des premières victimes. Une tendance que l’on ne cesse d’observer depuis quelques temps, et qui continue de se confirmer avec l’annonce du licenciement de l’intégralité du chœur de l’Opéra de Toulon.

Jeudi dernier, le conseil d’administration de l’Opéra de Toulon – devenu Établissement Public de Coopération Culturelle (EPCC) – a tranché en faveur du licenciement de son chœur, pourtant « présent depuis l’inauguration du théâtre » en 1862, comme le rappelle la présentation de l’institution. Ce chœur est actuellement composé de 21 membres permanents, placé depuis 2011 sous la direction de Christophe Bernollin, qui seront donc tous remerciés à la fin de la saison, en juin.

La raison de ce licenciement est économique d’après la direction de l’institution. Selon des témoignages de l’administration recueillis par le magazine Var matin, « C’est la seule manière de sauver l’opéra. Avec 13 millions d’euros de budget et 90 % de charges salariales, on n’a pas le choix ». Une idée confirmée par un autre employé : « On passe pour les méchants, mais la réalité, c’est qu’il y a un trou dans le budget. On vend moins de billets et il n’y a plus autant de dates en dehors de Toulon (…) C’est malheureux, mais on ne peut plus continuer comme ça ».

Toutefois, le même magazine rapporte également que d’autres employés déplorent « une gestion financière douteuse, des salaires indécents chez certains cadres, mais aussi des erreurs dans la programmation », et évoquent notamment le diptyque Cavalleria rusticana / Pagliacci présenté l'été dernier, jugé « démesuré, trop onéreux pour un petit opéra comme le nôtre », selon une source interne. 

L’annonce de cette décision a été faite au public quelques heures seulement après avoir été prise. Juste avant le concert prévu le soir-même au Palais Neptune, l’orchestre a pris la parole afin de confirmer cette triste nouvelle, ainsi que leur incompréhension face à celle-ci. L’une des personnes présentes a indiqué : « On a clairement senti une émotion particulière entre la soixantaine de musiciens et les deux chanteurs lyriques présents sur scène », tandis qu’une salariée de l’Opéra expliquait : « C’est impensable. Nous sommes tous abasourdis » rapporte Var Matin.

Une annonce qui n'est pas si surprenante

Si l’annonce de ce licenciement a été perçue comme « abrupte », elle n’en était toutefois pas pour autant imprévisible. Pour Richard Garnier (l'un des chanteurs basse, également représentant du personnel au conseil d'administration et au Conseil économique et social (CSE) de l'opéra varois), « il y a quelques années, c’est le ballet de l’opéra qui avait été supprimé. Ces dernières semaines, le recrutement avait été annulé. On nous répétait que la situation économique n’était pas bonne ».

Selon un rapport de la Cour des Comptes, « la gestion des ressources humaines est complexe en raison de la juxtaposition des statuts de personnel, de la longue absence d’un directeur dédié, des conséquences de conflits sociaux et du délai de dissolution d’un corps de ballet qui a cessé son activité en 2014 ». Il note également que : « le nombre d’emplois permanents diminue légèrement au profit d’un recours croissant à des agents recrutés sous le statut d’intermittent. Ce choix a permis à l’établissement de diminuer sa masse salariale et de l’adapter aux ressources disponibles ».

Ainsi, après s’être séparé de son corps de ballet en 2014, la maison toulonnaise décide aujourd’hui de faire de même avec son chœur afin de pallier aux difficultés économiques qu’elle connait. Il convient de rappeler que, dans la même région, les Opéras de Marseille et d’Avignon en sont déjà dépourvus, et qu’elle était la seule, avec l’Opéra de Nice, à encore disposer d'un chœur permanent.

Une polémique liée aux lourds travaux annoncés

Si le licenciement d’un chœur dans son ensemble est particulièrement inquiétant dans le paysage culturel d’une collectivité, il génère naturellement une vague de sympathie et de soutiens exprimés non seulement par le public de la maison, mais également par le public en général ainsi que d’autres chœurs français qui pourraient organiser des performances en soutien à leurs collègues de Toulon.

Toutefois, selon Richard Garnier, cette décision émane surtout d’une volonté de « faire de l’opéra de Toulon un théâtre d’accueil », à savoir un lieu sans chœur permanent destiné uniquement à l’accueil d’intermittents plus ou moins ponctuels afin de réduire les coûts. Un souci d’économie particulièrement drastique qui s'inscrit dans un contexte économique précaire, notamment du fait d'importants travaux de rénovations entrepris à l'Opéra de Toulon.

En effet, « des travaux hors normes pour le monument historique » – rappelons que l'Opéra de Toulon est l'un des rares opéras du second Empire à avoir conservé son apparence d’origine – ont débuté en 2024 et devraient se poursuivre jusqu’en 2027 pour un montant proche des 40 millions d’euros. Il s’agit là d’un « effort financier très important de la part de la Métropole et ses partenaires », mais plusieurs voix s’étonnent déjà que le maintien du chœur n’ait pas été financièrement pris en compte dans un tel projet par la Métropole Toulon Provence Méditerranée, qui est gestionnaire des lieux depuis 2003.

L’association Unisson a de son côté publié un message de soutien aux chanteurs de l’Opéra de Toulon : « Le “souci de conservation du patrimoine” d’une ville ne peut se réduire à rénover ses bâtiments. Une maison d’opéra est un ensemble de corps de métier qui lui donnent son caractère, transmettent une tradition, un esprit. La décision du CA montre une fois de plus une logique où l’humain est la seule variable d’ajustement, où l’art est devenu un simple produit de consommation ». La Métropole TPM, contactée par l’AFP, n’a pour sa part pas souhaité s’exprimer.

par

| Imprimer

En savoir plus

Commentaires

Loading