L’Opéra de Lille ressuscite la version originelle de Faust

Xl_faust-version-originelle-opera-de-lille-2025 © Faust, Palazzetto Bru Zane

À partir du 5 mai, l’Opéra de Lille donnera le Faust de Gounod, mais dans sa version originelle de 1859, avant que le compositeur n’y apporte moult modifications au gré des reprises de l’ouvrage. Pour l’occasion, la mise en scène de Denis Podalydès transpose l’action à l’époque moralement corsetée du compositeur. 

Le Faust de Charles Gounod a rencontré un incroyable succès critique et populaire. Pour autant, la création de l’opéra s’est révélée particulièrement laborieuse : le compositeur a porté ce projet d’adapter la tragédie de Goethe pendant des années (dès 1839), essuyant tantôt des refus, tantôt des revers – Léon Carvalho, directeur du Théâtre Lyrique, l'avait accepté en 1856, avant de se rétracter l’année suivante, mettant de facto le projet en pause (Gounod souffrait alors d’une sévère dépression) puis le relançant en 1858 pour permettre au compositeur d’achever son ouvrage, qui sera finalement créé au Théâtre Lyrique en 1859.

Entre temps et sous la pression de Léon Carvalho, l’ouvrage avait néanmoins connu de nombreuses modifications et coupures (notamment un trio entre Faust, Siébel et Wagner, ou un duo entre Valentin et Marguerite). La création est un beau succès, mais sans commune mesure avec l'engouement suscité par ses reprises : Faust renait en 1862 au Châtelet, puis est repris à l’Opéra Le Pelletier en 1869 et chaque reprise est l’occasion de nouvelles modifications. À sa création, Faust respectait ainsi les principes de l’opéra-comique (incluant des dialogues parlés) qui seront néanmoins remplacés plus tard par des récitatifs, puis le compositeur ajoutera le ballet de la Nuit de Walpurgis (dans la version de 1869). Des airs ont été supprimés (certaines pages de la partition originale ont aussi été perdues), d’autres ont été ajoutés ou remaniés, si bien que la version qu’on connait aujourd’hui du Faust de Gounod diffère significativement de sa version originelle.

C’était sans compter l’œuvre patrimoniale du Palazzetto Bru Zane, qui s’attache à faire vivre le répertoire musical français romantique. Le travail de recherches du Palazzetto Bru Zane (publié en livre-disque en 2019) a permis de reconstituer la version originale du Faust de 1859 et c’est cette version initiale qui sera donnée à l’Opéra de Lille du 5 au 22 mai prochains, avant d’être reprise à Paris à l’Opéra-Comique du 21 juin au 1 juillet.

« Des airs qui n'ont jamais été chantés »

Selon Louis Langrée qui assure la direction musicale de la production, cette version originelle promet « des airs qui n'ont jamais été chantés et d'autres qui n'ont pas été joués depuis 1860 ». Avec ses dialogues parlés originaux à la façon d’un opéra-comique, ce Faust « donne une force à la musique très différente ». Selon Caroline Sonrier, directrice de l’Opéra de Lille, cette version de l’ouvrage place en outre le spectateur « dans une histoire qui se passe autant dans le texte que dans la musique ».

La mise en scène de cette nouvelle production est confiée à Denis Podalydès, qui situe l’action de l’opéra au milieu de XIXe siècle (souligné par des costumes de Christian Lacroix) – à l’époque de Gounod et de ses grands contemporains littéraires. Dans la France du Second Empire à la morale très corsetée, Flaubert et Baudelaire sont poursuivis pour « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs » pour leurs écrits. C’est à cette époque que le metteur en scène transpose à l’opéra de Gounod (en lieu et place de l’Allemagne du XVIe siècle de la légende originale) pour raconter le récit d’un vieil homme qui aspire à retrouver la jeunesse pour mieux s’abandonner aux plaisirs sensuels, en séduisant et corrompant l’innocente Marguerite. Dans la production, la Nuit de Walpurgis se déroulera ainsi dans une maison close parisienne et Méphisto apparait sous les traits d’un diable très ordinaire (bourgeois ?), comme pour souligner la banalité du Mal dans une société qui cède d’autant plus la tentation quand elle est confrontée aux frustrations rigoristes. Et selon le metteur en scène, « passer du chant à la voix parlée est d'une théâtralité exceptionnelle » dans la version originelle de l’opéra avec ses dialogues parlés.

Pour défendre cette vision de l’œuvre, la production pourra en outre compter sur une distribution particulièrement attractive : Julien Dran dans le rôle-titre face à Vannina Santoni pour sa première Marguerite ou Jérôme Boutillier en Méphistophélès. Parallèlement aux représentations de l’Opéra de Lille, la production fera aussi l’objet d’une retransmission gratuite en direct sur grand écran le 15 mai dans le cadre de l’opération annuelle Opera Live de l’institution, dans près de 25 lieux des Hauts-de-France – notamment sur la place du Théâtre à Lille ou au musée du Louvre-Lens entre autres.

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