Passation exceptionnelle pour l'Opéra de Paris, et annonces de la Ministre de la Culture

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Ainsi que nous l'annoncions il y a quelques jours, hier marquait la passation officielle du titre de directeur de l'Opéra de Paris entre Stéphane Lissner et Alexander Neef. Une passation quelque peu inhabituelle, la cérémonie étant habituellement plus informelle et ne se déroulant pas au ministère, comme ce fut le cas ici. Une façon pour la Ministre de la Culture d'annoncer au passage ses attentes vis-à-vis de la maison parisienne - deuxième dotation publique nationale (avec 95 millions d’euros) après le Louvre -, mais également celles sur le devenir de l'art lyrique dans le reste du pays.

Si Roselyne Bachelot est à l'origine de cette passation anticipée, elle a néanmoins commencé par saluer le travail de Stéphane Lissner, "qui aura dirigé l’Opéra national de Paris pendant 6 ans, en proposant une programmation riche et audacieuse tout en veillant à diversifier les ressources de l’établissement", rappelant également que "sous (sa) mandature, l’Opéra de Paris a rayonné comme rarement, en attirant les meilleurs". Malgré cela, la Ministre a aussi rappelé que l’institution a besoin d’un "capitaine solide, prêt à tenir la barre pour traverser la tempête". Elle est bien consciente de "l'urgence pour le spectacle public et l'opéra, et d'abord pour l'Opéra de Paris", d'autant plus que "la succession des conflits sociaux de l'hiver dernier, ceux qui ont impacté l'Opéra de Paris auparavant, et la crise sanitaire du Covid 19 ont laissé l'établissement artistiquement et financièrement exsangue avec quasiment plus aucun lever de rideau depuis décembre dernier". Autant de raisons qui l'ont donc amené à accélérer la passation de pouvoir entre les deux directeurs.

La Ministre s'est également montrée déterminée à aider le nouveau directeur dans la lourde tâche qui l'attend, non seulement financièrement (comme avec l'aide financière déjà annoncée), mais aussi de manière plus structurelle, puisque Roselyne Bachelot reconnait qu'il faut repenser "tout le modèle de fonctionnement de l'Opéra de Paris". Cette cérémonie fut donc également l'occasion d'annoncer une mission confiée à Georges-François Hirsch et à Christophe Tardieu, tous deux ayant un véritable lien avec l'Opéra de Paris, ainsi que l'expertise nécessaire sans pour autant être trop impliqués dans l'immense machine qu'est la maison parisienne. Cette mission consiste moins en un audit qu'en un diagnostic "sans concession" : "dans le contexte de la crise sanitaire, il leur reviendra de réaliser un état des lieux et dresser des perspectives d’avenir à moyen et long terme pour l’Opéra". Les conclusions de cette mission sont attendues pour fin novembre 2020.

Une autre mission a de son côté été confiée à Caroline Sonrier, directrice de l’Opéra de Lille, à savoir "dresser un état des lieux de l’art lyrique en France". Pour ce faire, elle sera à la tête d'une commission comprenant des représentants de la profession, des collectivités locales et du ministère. Selon France Musique, "elle devra se consacrer à la quarantaine de théâtres dont l'opéra est l'activité principale et examiner diverses problématiques comme la valorisation de l'école du chant français, le redémarrage d'une activité dans le contexte de la Covid, la création ou recréation d'une synergie entre les différents théâtres lyriques de France, ou encore l'intégration de l'évolution rapide du rapport du public aux nouveaux outils numériques". L'optique est donc ici "de dresser un état des lieux de l’art lyrique en France, en examinant l’offre artistique existante, les différents modèles économiques, ainsi que les politiques de démocratisation poursuivies par les théâtres lyriques dans les territoires" selon le communiqué du Ministère. Roselyne Bachelot a par ailleurs donné quelques indications sur ses attentes en termes de synergies, de mutualisation, ou encore pour la sécurité des artistes.

Outre ces points soulevés par la Ministre de la Culture, la cérémonie était également l'occasion d'un discours d'adieu de la part de Stéphane Lissner, qui a notamment pointé du doigt le financement public inférieur à 50% comme étant justement une origine de la faiblesse du modèle de fonctionnement actuel. Selon lui, "les institutions financées sous la barre des 50% ne peuvent pas résister aux crises", ce qui est le cas de l'Opéra de Paris. Après lui, le nouveau directeur, Alexander Neef, a pris la parole à son tour, évoquant le "défi artistique et culturel" qui l'attend et précisant que "l'enjeu n'est pas d'engager une révolution mais une évolution respectueuse de l'Institution, lui permettant de se projeter au XXIe siècle. Un XXIe siècle qui n'est pas seulement celui du star system ou de la mondialisation, mais qui va permettre à l'établissement de trouver une identité répondant à notre époque".

Une passation exceptionnelle donc, à l'image de la situation lyrique en France et dans le monde, qui a permi d'annoncer les premières lignes d'un ample projet de la Ministre de la Culture sur la question de l'art lyrique qui luit tient à coeur. Reste à voir les résultats des commissions annoncées, et les premiers pas du nouveau directeur dans une maison qui, rappelons-le, est actuellement fermée pour travaux.

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