Si la fondation de Royaumont est connue par beaucoup pour son abbaye et le festival qu’elle accueille tous les ans, ou encore comme lieu de résidence et d’expérimentation pour les artistes (comme l’Ensemble Pygmalion), on oublie parfois que, loin d’être simplement des murs abritant du talent, ces derniers renferment également un important savoir et de riches ressources grâce à sa bibliothèque, la bibliothèque musicale François Lang (BmFL), du nom du pianiste à l’origine de cette collection qui disparut en camp lors de la Seconde guerre mondiale.
La fondation Royaumont, née en 1964 de la philanthropie d’un couple d’industriels lui ayant fait don de l’abbaye fondée par Saint Louis, préserve et entretient ce patrimoine à travers son ouverture aux artistes et au public. Depuis près de 40 ans, la Fondation donne la priorité aux programmes de recherche, de formation professionnelle, de création et de diffusion. Elle acquiert sa bibliothèque musicale en 2007, l’ouvre au public dès 2009 et a récemment pris la direction de la Médiathèque Musicale Mahler à Paris qui réunit plus de 17 000 livres et 16 000 partitions.
Les collections de la Bibliothèque musicale François-Lang, située au cœur de l’abbaye, s’étendent sur la période allant de la fin du XVIe siècle au tout début du XXe siècle (il s’agit là des fonds Debussy), et s’enrichit progressivement d’un fonds d’œuvres de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle. Ainsi, en plus des 1300 ouvrages qui constituaient initialement la bibliothèque, de nouvelles acquisitions et des dons de collections privées viennent régulièrement nourrir ces archives, qui comptent en outre une bibliothèque d’étude d’environ 4000 ouvrages musicologiques de référence et de partitions. Ces fonds permettent d’accueillir des stagiaires en formation professionnelle, ou encore, et surtout, d’accompagner les artistes et chercheurs en résidence, les orientant vers des répertoires rares, parfois inédits, qu’ils donnent en concert dans le cadre du Festival puis sur les scènes internationales. C’est ainsi que l’ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon a pu s’orienter dans son travail centré sur les opéras de Rameau (tels que Zoroastre ou Dardanus qui ont su convaincre critiques et publics). La BmFL accueille aussi régulièrement des groupes de scolaires pour des projets pédagogiques, tels qu’en 2014, « Berlioz à l’école », en collaboration avec l’orchestre Les Siècles dirigé par FrançoisXavier Roth.
Malheureusement, ces œuvres rares, dans lesquelles les artistes et les chercheurs peuvent puiser pour leurs travaux et faire ainsi revivre des pièces inconnues ou que l’on croit connaître à tort, ne sont pas immortelles et leur support papier s’use avec l’usage et/ou le temps. C’est pourquoi la Fondation Royaumont lance dès le 1er mars sa première campagne de financement participatif face à l’urgence que demandent certaines restaurations. Parmi ces œuvres à sauvegarder se trouve un corpus de partitions d’opéras et cantates françaises du Grand Siècle (dont certaines ont appartenu à de prestigieux personnages, tels que le Grand Dauphin ou Mme de Pompadour), un rare exemplaire des Institutioni harmoniche de Zarlino (1594), somme des connaissances musicales du XVIe siècle, ou encore des exemplaires des premières éditions des œuvres pour clavecin de J.S. Bach… Cependant, au vu du nombre important de travaux à effectuer, la campagne de restauration envisagée en 2017 ne concerne qu’une partie seulement de la collection.
En effet, sur les 410 volumes expertisés, environ la moitié nécessite un traitement de consolidation et 115 ouvrages requièrent une maintenance. Toutefois, 92 documents nécessitent une restauration approfondie, et c’est sur ce dernier corpus que la campagne 2017 dont il est ici question va porter plus particulièrement. Une sélection de 48 ouvrages – partitions et traités – nécessitant une intervention prioritaire a été définie (en fonction des dons recueillis, le nombre d’ouvrages traités pourra bien entendu varier), regroupant :
Livres de la BmFL; © DR
- Vingt-six partitions d’opéras français des XVIIe et XVIIIe siècles : œuvres de Lully et ses contemporains directs en grandes partitions et formats oblongs, dont un rare exemplaire des Amours des déesses de Quinault qui nécessite une restauration urgente,
- Un rare ensemble de trois volumes intitulés Cathedral music (Londres 1760-1773), anthologie d’œuvres sacrées anglaises des XVIe et XVIIe siècles (T. Tallis, T. Morley, R. Farrant, E. Bevin, O. Gibbons, W. Child, B. Rogers, J. Blow, H. Aldrich, H. Purcel…)
- Quatre volumes de cantates françaises : Les Nuits de Sceaux de Bernier, deux livres de Clérambault, un de Stuck,
- Trois partitions pour clavier : un exemplaire des Nouvelles Suites 1728 de Rameau (fonds P. Florentin) et deux recueils de J.S. Bach, Exercices pour le clavecin, éd. Peters [1801-1802], et XV inventions pour le clavecin de Hoffmeister [1815],
- Un ensemble de 12 traités et méthodes, parmi lesquels figurent les trois ouvrages les plus anciens de la collection : Margarita Philosophica de G. Reisch (1504), Le Institutioni harmoniche de Zarlino (1588-1589) cité plus haut et Les Préludes de l’harmonie de Mersenne (1634).
Afin de préserver ces œuvres, les internautes sont invités à aider la Fondation grâce à un don via la plateforme KissKissBankBank qui sera opérationnelle du 1er au 31 mars afin de réunir une somme totale de 30 000 euros. A la déduction fiscale usuelle dans ce type de don s’ajouteront la mention du nom du donateur sur la page dédiée du site web (pour 10 euros donnés) ; une carte inédite de remerciement, reproduisant une partition (pour 20 euros) ; une édition exclusive d’un concert inédit enregistré à Royaumont (à partir de 50 euros de dons) ; un fac similé d’une partition précieuse sous cadre (100 euros), etc. Pour des dons plus importants, les donateurs seront invités à assister à la répétition générale d’un concert du Festival de Royaumont puis à prendre une coupe de champagne avant la représentation publique, ou bien à un « voyage au cœur des partitions », de l’atelier parisien de la restauratrice à la Bibliothèque musicale François-Lang, avec un déjeuner à Royaumont. Enfin, les plus généreux seront conviés à un weekend à l’abbaye durant le Festival (comprenant gîte, couverts, transports, visite par le directeur de la Fondation et concerts) ou encore à un concert privé à domicile (à partir de 10 000 euros de dons dans ce dernier cas contre 2 000 dans le cas précédent).
Les contributions sont donc prévues à hauteur de chaque bourse, y compris la plus humble, afin de préserver les trésors protégés par la Fondation et de poursuivre dans les meilleures conditions l’ouverture et la transmission au public de ses œuvres.
28 février 2017 | Imprimer
Commentaires