
Alors que l’Opéra de Lyon débutait son festival, il profitait de l’occasion – comme c’est désormais la tradition – pour annoncer sa saison prochaine ancrée dans une volonté de transmission de patrimoine passé, présent, et futur. La programmation s’axera sur trois fils conducteurs : des chef(fe)s de la nouvelle génération, des solistes de renommée internationale ainsi qu’un principe de parité.
Malgré le contexte économique inquiétant, l’Opéra national de Lyon proposera au total neuf opéras en 2025-2026, dont trois dans le cadre de son festival et plus de la moitié de nouvelles productions, rendues possibles grâce aux partenariats avec d’autres maisons prestigieuses. Le directeur de la maison, Richard Brunel, a également tenu à rappeler le nombre important des effectifs employés par l’Opéra, ainsi que leur importance pour le maintien de sa vie culturelle. Malheureusement, il faudra tout de même compter sur un nom en moins : la saison actuelle est la dernière pour Daniele Rustioni – dont la carrière se tourne du côté de New-York – mais le directeur tente de nous rassurer : le chef et l’institution sont en discussion pour un retour ponctuel et peut-être régulier du chef lors de prochaines saisons.
La culture est un bien collectif
Avant d’entrer dans le vif du sujet, Richard Brunel a tenu à partager d’une part son inquiétude, et d’autres part ses convictions. La première, on s’en doute, est liée aux désengagements des collectivités ainsi que de certaines personnalités politiques, ce qui a pour conséquences de fragiliser, voire de condamner la culture ainsi que l’écosystème artistique.
Néanmoins, ce désengagement doit inciter à la résistance – un mot qui résonne particulièrement à Lyon – en réaffirmant la nécessité de la culture, ou encore en soutenant la création du patrimoine de demain et la transmission de celui déjà existant, sans céder aux goûts ni aux attentes. Ainsi que le rappelle le directeur des lieux, « les subventions ne sont pas là pour que l’Opéra existe, mais pour que les citoyens et les citoyennes puissent goûter au meilleur de la création lyrique et chorégraphique, tant il est vrai que l’art et la culture doivent faire partie des joies auxquelles chacun, chacune a droit ».
Une résistance dans laquelle le public semble suivre la maison lyonnaise, puisque celle-ci connaît un taux de fréquentation de 91%, avec 80% des places achetées sur l’ensemble de la saison (en février dernier). 27% du public a moins de 29 ans, 36% sont de nouveaux spectateurs et il est possible de compter sur 20% de « fidèles abonnés ».
De nouvelles productions
La saison débutera par Boris Godunov, mis en scène par Vasily Barkhatov qui fera ainsi ses débuts en France après diverses productions déjà saluées à l’étranger, notamment en Allemagne. La production partira ensuite à La Monnaie de Bruxelles, qui est l’une des maisons coproductrices. La direction musicale sera confiée à Vitali Alekseenok – qui fera lui aussi ses débuts français –, à la tête de la version originale de 1869, « plus directe, plus âpre » selon les mots de Richard Brunel. Cette production marquera le retour de l’œuvre après 25 ans d’absence, et les Lyonnais retrouverons pour l’occasion Dmitry Ulyanov dans le rôle-titre après avoir été marqué par son Attila en 2018 ou encore son roi Dodon en 2021.
Pour les Fêtes de fin d’année, l’Opéra de Lyon invite un classique du répertoire sur sa scène : Les Contes d’Hoffmann, dans la mise en scène de Damiano Michieletto coproduite avec le Royal Ballet and Opera de Londres, l’Opera Autralia ou encore La Fenice de Venise qui a accueilli le spectacle pour l’ouverture de sa saison 2023 (enthousiasmante). La production finira ainsi sa tournée par Lyon après avoir ravi les publics des villes déjà traversées. La direction musicale sera partagée entre Emmanuel Villaume et Charlotte Corderoy « étoile montante aux derniers Opera Awards », tandis que Joshua Guerrero tiendra le rôle-titre face à trois interprètes pour les trois rôles féminins : Eva Langeland Gjerden, Amina Edris et Clémentine Margaine – un luxe en Giulietta. Parmi le reste de la distribution, citons Victoria Karkacheva (entendue en Judith en 2021), Marko Mimica ou encore Vincent Le Texier.
Viendra ensuite le tour de Louise, en coproduction avec le Festival d’Aix-en-Provence où elle sera donnée cet été dans la mise en scène de Christof Loy, sous la baguette de Giulio Cliona. Elsa Dreisig reprendra le rôle-titre face, entre autres, à Sophie Koch, Nicolas Courjal ou encore Adam Smith. De quoi refaire vivre avec brio ce « roman musical » de Charpentier oublié.
Enfin, Le Couronnement de Poppée clôturera la saison en mettant en avant les jeunes artistes de l’Opéra Studio puisque, à l’exception de Iuri Iushkevich, tous sont issus de la promotion actuelle ou de celle de 2022-2024, comme c’est le cas pour Giulia Scopelliti, déjà entendue à plusieurs occasion in loco, comme ce fut le cas dans Elias en 2023. La direction musicale sera confiée à Simon-Pierre Bestion et la mise en scène à Tatjana Gürbaca, qui reviendra après sa Fanciulla del West de 2024.
Un festival qui pariera sur la beauté
Ce sera là le thème de l’édition 2026 du festival de l’Opéra de Lyon : « Parier sur la beauté », que cela soit celle des voix, des personnages, de la musique, ou encore un pari sur l’exigence.
La première des trois œuvres programmées pour cette édition est Manon Lescaut de Puccini, qui reviendra dans une nouvelle production après 15 ans d’absence. Emma Dante fera ses débuts à Lyon et insistera sur les origines précaires de l’héroïne, tandis que Sesto Quatrini dirigera la fosse. Chiara Isotton et Riccardo Massi – déjà réunis en 2024 dans La Fanciulla del West déjà mentionnée – se retrouveront dans les rôles des deux amants, face au Lescaut de Jérôme Boutillier.
Billy Budd de Britten sera pour sa part proposé dans sa deuxième version de 1964. Le maître des lieux, Richard Brunel, signera la mise en scène de cette œuvre qu’il affectionne particulièrement et qui l’a marqué puisqu’il s’agit du premier opéra qu’il ait vu à Bastille. Sean Michael Plumb interprètera le rôle-titre, aux côtés de Derek Welton – très bel Elias en 2023 – ou de Paul Appleby.
Traviata – Vous méritez un avenir meilleur, qui a déjà tourné sur plusieurs scènes après sa création au Théâtre des Bouffes du Nord, posera pour sa part ses bagages au TNP. Ce théâtre musical, conçu par Benjamin Lazar (qui signe la mise en scène), Florent Hubert (à la direction musicale) et Judith Chemla (qui incarne Violetta Valéry), est une forme hybride qui a déjà ravi divers publics. On se réjouit donc de son arrivée à Lyon.
Divers concerts et récitals
Outre les productions déjà citées, le public pourra compter sur la reprise des Enfants du Levant, un opéra pour enfants créé en 2001 déjà proposé à Lyon en 2019. Le spectacle nous avait alors marqué et ému par son histoire inspirée de faits réels, porté par la « mise en scène simple et efficace » de Pauline Laidet.
La saison 2025-2026 sera également marquée par des concerts, y compris hors les murs. Ce sera le cas du Stabat Mater de Pergolèse, proposé à la Chapelle de la Trinité, avec l’Orchestre de l’Opéra dirigé par Simon-Pierre Bestion et interprété par deux solistes du Studio : Eva Langeland Gjerde et Jenny Anne Flory – toutes deux actuellement à l’affiche dans 7 Minuti. Elsa Benoit sera présente pour un concert d’ouverture de saison autour de Wagner et Mahler, mais on note surtout les quatre rendez-vous « Grandes Voix » de la saison : Ludovic Tézier en octobre, Sabine Devieilhe en janvier, Nicole Car et Etienne Dupuis en mai, ainsi que Patricia Petibon, également en mai, à l’Auditorium.
Notons également la poursuite de l’Opéra itinérant, Le Sang du Glacier, qui part à la rencontre du public excentré à travers le Camion-Opéra, offrant véritablement l’opéra à domicile avec une œuvre qui s’adresse à un public à partir de 14 ans.
Une belle saison 2025-2026 en perspective, pour résister et faire vivre la culture.
publié le 17 mars 2025 à 14h07 par Elodie Martinez
17 mars 2025 | Imprimer
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