Une nouvelle ère pour la Chapelle de la Trinité à Lyon

Xl_trinit_ © La Trinité

On se souvient qu’en mars dernier, les Grands Concerts étaient priés de rendre les clefs de la Chapelle de la Trinité au profit des Concerts de l’Hostel Dieu, ou plus précisément « Lyon Trinité Musique » qui réunit également Superspectives. Ensemble, ils mènent un nouveau « projet artistique et culturel : la Trinité », qui se définit comme une « nouvelle scène de musiques baroques et irrégulières ».

À Lyon, la Chapelle de la Trinité accueille régulièrement les mélomanes et pendant 25 ans, l’association Les Grands Concerts y a proposé une programmation articulée autour de la musique baroque. En mars dernier, la Métropole et la Ville de Lyon mettaient fin à ce partenariat pour confier la programmation à une nouvelle structure, Lyon Trinité Musique. Elle esquisse aujourd'hui son projet artistique pour la Chapelle de la Trinité, qui se définit comme une « nouvelle scène de musiques baroques et irrégulières ».

Si dans la théorie, le discours est attrayant, dans la pratique on s’interroge tout de même sur le rendu et sur ce qui restera de l’excellence qui marquait il n’y a pas si longtemps la programmation de cette salle. Celle-ci se déploie désormais autour de trois axes artistiques : réconcilier répertoire et création, faire dialoguer les disciplines et les arts et explorer les liens entre musique et nature.

« Bach to the future »

Selon le programme, chaque année accueillera désormais « un "compositeur résident" pour donner un éclairage particulier sur son œuvre ». Pour cette première année, ce sera donc Bach, autour d’un fil rouge intitulé « Bach to the future ».

Le premier rendez-vous sous cette thématique sera « Bach to minimalism » avec le Concert de l’Hostel Dieu, avant que le compositeur ne soit trituré durant le premier festival – nous y reviendrons – dans « Bach to Bach », une « battle de DJ dos à dos sur le thème synthèse sonore et répertoire baroque : Bach transmogrifié, Bach moogisé mais peut-être aussi Bach libéré ? » Les Concertos Brandebourgeois seront également interprétés par Les Folies Françoises en mars, puis c’est par « Movimento & in Bach » que ce fil rouge s'achèvera. Il s’agit d’une « double proposition artistique sous le signe de la rencontre entre Johann Sebastian Bach, hip-hop et musique électronique ».

Deux nouveaux festivals

Outre ce fil rouge, la Trinité offrira deux temps de festivals. Le premier sera le festival d’hiver, qui se déroulera du 21 au 23 février 2025 pour un long weekend dédié à Wendy Carlos. Il s’agit de la « première compositrice trans (pour transgenre comme pour transcription), égérie inoubliable de Stanley Kubrick, pionnière des musiques  électroniques et artiste Moog par excellence, elle livre avec ce  synthétiseur une interprétation « branchée » de Bach que Glenn Gould lui-même salua comme l’une des plus décisives du siècle ». Ce festival se proposera d’explorer « comment le répertoire s’est trouvé une seconde vie dans les musiques électroniques et comment les synthétiseurs continuent de faire répertoire, avec un foisonnement et une liberté qui n’est pas sans rappeler le meilleur de l’âge baroque ». Parmi ces huit rendez-vous, deux seront proposés gratuitement (le concert autour de Bach mentionné ci-dessus ainsi qu’un atelier). Pour le reste, comptez 25 euros pour le pass journée, et 60 euros pour le pass festival.

Le second événement sera le festival de printemps, du 9 au 11 mai 2025 ; « un festival sur le thème de la nature dédié à Antonio Vivaldi  pour le trois-centième anniversaire des Quatre saisons, hymne naturaliste et chef-d’œuvre universel qui ouvre en 1725 le cycle de concertos pour violon Il cimento dell’armonia e dell’invenzione ». L’occasion également de transformer « la chapelle de la Trinité en volière imaginaire avec l’Engoulevent, une installation sonore de Clément Vercelletto, une session d’écoute « ornithomix » avec Dizonord et même une performance de cirque aérien ! » Là aussi, il s’agira donc aussi de se retrouver le temps d’un long weekend qui débutera avec une création française sous l’égide des Quatre Saisons : « Avec le double objectif d’en renouveler l’écoute et de questionner le rapport de l’artiste à la nature et au vivant, Karl-Aage Rasmussen conçoit en 2018 une nouvelle version pleine de fantaisie et d’humour. Et c’est le Concert de l’Hostel Dieu que le compositeur danois choisit pour en faire la création française ». Le lendemain, nous aurons droit à une recomposition de l'intemporel chef-d’œuvre de Vivaldi par Max Richter. Les tarifs seront les mêmes que pour le festival précédent.

Quid du lyrique dans cette nouvelle occupation ?

Face à ce programme, on est en droit de s’interroger sur la nouvelle place du lyrique pour les nouveaux locataires des lieux. Auparavant, les Grands Concerts permettaient aux Lyonnais d’entendre de grands noms comme Cecilia Bartoli et Philippe Jaroussky, Nathalie Stutzmann, Patricia Petibon, Emőke Baráth, Marie-Nicole Lemieux dans Juditha Triumphans, etc. Qu’en est-il pour cette première saison de « La Trinité » ?

Le premier nom qui apparait est celui de la soprano Heather Newhouse, présente aux côtés du Concert de l’Hostel Dieu pour le concert d’ouverture de saison le 30 novembre, « Dolce Follia », autour d’œuvres d’Antonio Vivaldi, Santiago Da Murcia, Antonio Sartorio, Tarquinio Merula et d’anonymes. En janvier, Anne Magouët et le SonArt inviteront à confronter Björk, « la célèbre pop star islandaise », à des instruments baroques. Un nom un petit peu plus familier, Reinoud van Mechelen fera son apparition en février pour des chansons et des airs traditionnels irlandais avec notamment la flûtiste Anna Besson au sein de l’ensemble A Nocte Temporis. Le même mois, « Les fantômes d’Hamlet » se composera « de différents fragments d’opéras, en partie perdus, de grands maîtres italiens ou influencés par eux », portés par Roberta Mameli (qui nous avait impressionné à Nantes en 2021).

En mars, Isabelle Druet nous fera voyager au son de musiques baroques espagnoles avant que nous ne partions pour la Renaissance le mois suivant en compagnie d’Anaïs Bertrand, Clément Debieuvre, Antonin Rondepierre et Cyril Costanzo avec un programme dédié à la chanson polyphonique et aux grands compositeurs des écoles musicales française et franco-flamande. Le 15 avril sera pour sa part marqué par la première venue à Lyon de l’orchestre baroque d’Helsinki, accompagné pour l’occasion d’Ana Vieira Leite dans « un programme original : à partir de compositions du XVIIe siècle extraites d’un manuscrit conservé à Uppsala, Aapo Häkkinen nous fait découvrir des œuvres étonnantes de compositeurs du sud et du nord de l’Europe, évoquant la vanité, la culpabilité, le passé et l’avenir de l’humanité ».

Enfin, Camille Fritsch se produira avec La Capriola dans des œuvres d'Andrea Gabrieli, Adrian Willaert, Cipriano de Rore, Claudio Monteverdi le 20 mai, et Alice Duport-Percier nous donnera rendez-vous le 12 juin. Avec Kapsber’girls, elle nous invitera à nous rappeler ces compositrices dont la plupart sont « oubliées de l’Histoire » que sont Isabella Leonarda, Andrea Falconieri, Francesca Campana, Francesca Caccini (dont nous avons toutefois entendu dernièrement l’Alcina à Ambronay), Ercole Pasquini, Barbara Strozzi, ou encore Antonia Bembo.

Le changement de ton entre ancien et nouveau locataire est donc radical, mais il reste à savoir si le public (re)viendra en masse pour ces expériences proposées dont l’étendue et la disparité pourraient tantôt conquérir le public, tantôt le faire fuir. 

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