À l’opéra, quand tout marche (ce qui est rare !), le bonheur est complet : c’est ce qu’offre cette merveilleuse production de la Cendrillon de Rossini, cette Cenerentola qu’il compose à 25 ans, un an après le Barbier de Séville, et qui est un pur chef-d’œuvre. Tout y est parfait, à commencer par l’orchestre, essentiel chez Rossini car il est le moteur de ces fameux emballements sonores, ces crescendos et autres accelerandos qui produisent ces effets physiques sur l’auditeur : l’orchestre de l’Opéra de Paris étincelle comme jamais sous la baguette vive, racée, effervescente de Bruno Campanella. Les rythmes sont « montés » (comme on le dit d’une crème) avec une légèreté qui donne l’impression de s’envoler, les couleurs se déploient comme des confettis, c’est éblouissant !
Mais les voix ne sont pas en reste : Nicolas Joël a réuni une distribution magistrale, chaque individualité s’imposant et sachant se fondre dans les ensembles où les timbres, idéalement appariés, offrent une symphonie colorée. De surcroit, tous ces chanteurs et chanteuses jouent avec une verve qui dynamise encore plus leur chant, des sœurs pimbêches Jeannette Fischer et Anna Wall à l’impeccable philosophe Alidoro d’Alex Esposito, du Don Magnifico impayable de Carlos Chausson aux non moins ricochants Riccardo Novaro en Dandini et Javier Camarena en Ramiro (un peu emprunté dans son jeu, lui, mais si bien chantant). Mais bien évidemment c’est le rôle-titre qu’on attend dans La Cenerentola et cette Cendrillon a la grâce et la voix de Karine Deshayes, une des plus belles mezzos de sa génération : son timbre d’abord, d’une tendresse dorée, tel qu’il résonne dès sa petite chanson « C’era un re », enchante absolument, mais son jeu, tout de finesse et de subtilité, de lumière intérieure aussi comme éclairant sa voix, et puis cette précision dans les virtuosissimes vocalises rossiniennes, avec cette culmination dans l’étourdissant rondo final « Nacqui all’affano », tout, absolument tout séduit le public avec raison. Karine Deshayes est une grande, dans la lignée des Berganza, avec de surcroit une fraicheur qui répand du bonheur.
Qu’ajouter ? Que la mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle, vieille de trente et un an, n’a pas pris une ride et que cette maison de poupée dessinée comme dans un livre d’images confère à cette Cenerentola une sorte d’éternité joyeuse qui fait qu’on sort de cette soirée avec des étoiles dans les yeux ! Le spectacle se prolonge jusqu’au 17 décembre : ce serait une faute de le manquer !
Alain Duault
La Cenerentola - Opéra Garnier (du 26 novembre au 17 décembre 2011)
29 novembre 2011 | Imprimer
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