Le point de vue d’Alain Duault : Faust à l’Opéra de Baugé 2022

Xl_faust-opera-de-bauge-2022 © DR

L’Opéra de Baugé a souhaité maintenir une programmation cette année après deux saisons annulées pour cause de Covid : c’est à la fois courageux et nécessaire car il ne faut surtout pas baisser pavillon. Et puis c’est un anniversaire : voici vingt ans que cet Opéra de Baugé, qu’on a justement qualifié de « Glyndebourne angevin », a été lancé, (pari ou coup de folie !), par deux Anglais passionnés, connaisseurs, mais aussi intrépides, John et Bernadette Grimmett – qui ont fait connaitre par l’opéra le nom de cette très jolie petite ville du Maine-et-Loire. Depuis cette première édition en 2002, les opéras se sont succédé chaque été, le public a grossi, local d’abord, puis national, puis international, la rumeur s’est répandue, la presse est venue, l’enthousiasme n’a jamais failli – et l’on a pu voir à l’Opéra de Baugé des productions marquantes, toujours classiques de facture c’est-à-dire parfaitement lisibles pour un public qui, en grande partie, découvre l’opéra… et y revient ! Surtout, on y a entendu de jeunes voix qui y ont fait leurs débuts et qu’on a retrouvées ensuite sur d’autres scènes. Et les orchestres de jeunes musiciens se sont étoffés et ont su, année après année, donner à entendre ces opéras avec une ferveur communicative. Il était donc non seulement nécessaire mais même essentiel de ne pas laisser une troisième saison en jachère.

Pourtant on sait que, hélas, tout n’est pas encore revenu comme avant la pandémie : le public, parfois frileux ou ayant pris d’autres habitudes, n’est pas au rendez-vous autant qu’on pourrait l’espérer dans la plupart des théâtres et, bien sûr, Baugé ne fait pas exception à la règle. Mais pire, les artistes sélectionnés par Bernadette et John Grimmett pour ces représentations ont été, les uns après les autres, terrassés par une reprise du Covid ou par d’autres affections : il a fallu remplacer tel ou telle, il a fallu pallier une gastro ici, un coup de chaud là, une dépression, une fatigue éprouvante… et les alliages vocaux n’ont pas toujours été ceux que Bernadette et John avaient imaginés. Tout comme les temps de répétitions ont été réduits par ce va-et-vient des artistes…

Dans le Faust de Gounod par exemple (qu’il était osé de monter dans ces conditions, mais les Grimmett n’ont peur de rien !), pour un Denis Sedov, un des fidèles de l’Opéra de Baugé, qui impose sa présence en Méphisto, ou la soprano polonaise Katarzyna Holysz en Marguerite au timbre joliment argenté, le reste de la distribution ne reflète assurément pas les souhaits des Grimmett. En revanche, l’orchestre, lui, jeune et très largement féminisé, fait entendre une belle cohésion et des couleurs superbes (en particulier dans les pupitres de vents ou de cuivre, dont une excellente trompette), sous la direction précise et toujours relancée du jeune Thomas Blunt. Finalement, si l’on n’a pas entendu un Faust d’exception, on a passé une agréable soirée, avec une histoire vraiment racontée, avec un soutien musical où chacun a donné le maximum, avec le sentiment d’avoir participé à une renaissance bienvenue.

Cette relance de l’Opéra de Baugé était donc indispensable : le public le plus fidèle retrouve ses marques, il va dire autour de lui le plaisir de se retrouver pour partager les émotions de l’opéra, les musiciens aussi vont répandre cette bonne nouvelle d’y être de retour – et l’an prochain, l’Opéra de Baugé aura retrouvé ses couleurs et offrira des bonheurs complets à un public qui remplira à nouveau les salles. On y partagera à nouveau ces diners champêtres à l’entracte. Et les Grimmett auront à nouveau le sourire. On y sera heureux comme on peut l’être en Anjou.

Alain Duault
Baugé, 27 juillet 2022

Faust, à l'Opéra de Baugé les 27, 31 juillet et 2 août 2022

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