C’était une des nouvelles productions les plus attendues de la saison 2011-2012 de l’Opéra de Paris. Mais la première question qui se pose est celle de présenter la Manon de Massenet, une œuvre fragile, intime, subtile sur la grande scène de l’Opéra Bastille et non à l’Opéra Garnier ! Est-ce ce choix qui a entrainé le gigantisme des décors de ce spectacle, si peu en rapports avec l’esprit de l’œuvre – et si mal éclairés ?
On a connu Coline Serreau plus inspirée, avec Le Barbier de Séville par exemple – alors que là, on oscille sans cesse entre le vide et le n’importe quoi : pour le n’importe quoi, des blagues de potaches dans une cour de récréation (on habille Lescaut et ses amis en punk avec une crête rouge, on fait faire du patin à roulettes à quelques jeunes femmes à l’intérieur de Saint-Sulpice…), et toujours sans la moindre justification dramaturgique ; pour le vide, l’absence de vision, l’absence de direction d’acteurs, l’absence de poésie, l’absence d’émotion. C’est une production nulle au sens étymologique, c’est-à-dire qu’elle y voisine avec le zéro ! Pas même provocatrice, non, simplement sans aucun sens.
On se doute que, dans un tel environnement, les artistes ont quelques difficultés à tenter d’exprimer des caractères, des relations humaines, une poésie. Chacun fait un peu comme il peut sous la baguette d’Evelino Pido, étrangement en retrait, habillant d’un gris sonore cette partition si finement ciselée.
Quant à la distribution, si les clés de fa surnagent (excellent Lescaut de Franck Ferrari, voix bien projetée, articulation superbe, tentative de jeu expressif, en dépit de son costume imbécile ; magnifique Comte des Grieux de Paul Gay, à la belle autorité et au rayonnement admirable), le Des Grieux de Giuseppe Filianoti est très inégal, plus à l’aise dans la demi-teinte que dans des aigus débraillés et un style approximatif.
Et surtout la Manon de Natalie Dessay déçoit : bien sûr la voix est là, avec ses ressources, ses couleurs, son intelligence du chant mais où est passé le fier et bel engagement qu’on aime chez elle ? Elle semble elle aussi en retrait, à des années-lumière de la bouleversante Manon qu’elle a chantée avec Rolando Villazon au Liceu de Barcelone en 2009, dans une vraie mise en scène signée David McVicar. Ici, elle n’est que l’ombre d’elle-même, donnant le sentiment qu’elle n’y croit pas – et ne déchaine d’ailleurs pas les applaudissements auxquels elle est accoutumée. Dommage pour elle, dommage pour l’œuvre, dommage pour l’Opéra de Paris qui rate une belle occasion.
Alain Duault
Manon - 18 janvier 2012 - Opéra Bastille
À voir jusqu'au 13 février 2012
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