Brillantes variations britanniques au Festival de Colmar, avec Ed Lyon

Xl_53839368292_d2fbdb76b4_o © FIC - Bertrand Schmitt

Après une soirée d’ouverture royale vendredi, le Festival international de Colmar se poursuivait tout le weekend, entre masterclass, concert matinal autour du violon, un autre dans l’après-midi avec le Quatuor Modigliani, et enfin une autre grande soirée cette fois-ci autour de « variations britanniques » entre Benjamin Britten et Edward Elgar. Nous retrouvions pour l’occasion Alain Altinoglu toujours à la tête de l’Orchestre symphonique de la Monnaie, accompagnant cette fois-ci le ténor Ed Lyon et accueillant le cor de Jean-Pierre Dassonville.

C’est néanmoins par la relativement brève Ouverture de The Tempest de Thomas Adès que débutait la soirée. Cette « page d’une puissance torrentielle » traduit avec art la tempête dont il est question, tandis que l’orchestre la magnifie, l’exulte et l’exalte. On est donc particulièrement saisi par la brièveté de l’Ouverture d’environ cinq minutes seulement, alors que nous étions embarqués dans ces bourrasques et ces déferlements.

La partie vocale de la soirée arrive donc assez rapidement, avec la Sérénade pour ténor, cor et cordes de Britten, un cycle qui « tisse un drame complexe à partir des échanges du chanteur avec des instrumentistes, et tout particulièrement avec le cor solo ». C’est d’ailleurs ce dernier qui a le premier et le dernier mot (le Prologue et l’Epilogue). On ne peut que saluer Jean-Pierre Dassonville, qui se prête avec brio à l’exercice de cette partition difficile, avec notamment des aigus notables, un nuancier et des couleurs cuivrées exceptionnelles, ou encore un final depuis la crypte, offrant un son proche de l’onirisme et un souffle ténu qui s’accroche à nous du bout de la note.


Jean-Pierre Dassonville et Ed Lyon, Festival de Colmar 2024 © FIC - Bertrand Schmitt

De son côté, Ed Lyon s’avère musicalement très expressif : la voix permet de transmettre une palette d’émotions, de sentiments, de couleurs et d’intentions. La voix s’élève avec beauté dès la Pastorale, puis la nuit resplendit et trouve écho dans la musique lors de la Nocturne. Suivent. Elegy et Dirge, avec des aigus tout bonnement aériens, une gradation et une montée avec l’orchestre notables, avant l’Hymn et le Sonnet du cycle. Le ténor s’avère musicalement expressif, avec une ligne de chant maîtrisée et fluide. Elle ne s’éparpille pas dans la projection et s’allie à l’orchestre comme le cœur et l’âme dans un seul et même corps.

Enfin, après l’entracte, le programme propose les Variations Enigma d’Edward Elgar. Créées en 1899 à Londres, ces Variations « enchaînent les paysages musicaux les plus variés » pour le plus grand plaisir de l’auditeur qui aime à se perdre dans cette énigme et dans le thème enivrants de L’istesso tempo « C.A.E. ». Les différents mouvements qui se succèdent permettent aux cordes de l’Orchestre symphonique de la Monnaie de particulièrement briller. Le son est grandiose et donne l’impression d’un seul et même violon, immense – une sorte de « métaviolon » – comme un poumon d’orchestre : il gonfle, respire, donne l’élan d’énergie vitale à l’origine de chaque inspiration. On est subjugué par cette homogénéité qui ne prive pas l’individualité des instrumentistes. La musique s’élève pleinement, et peut-être plus notablement encore dans l’Allegretto « W.N. » Alain Altinoglu tire le meilleur de cet orchestre extraordinaire, et obtient des pianissimi absolument superbes, dignes des plus belles louanges. Le finale est magistral, d’une puissance maîtrisée qui emporte tout sur son passage, à commencer par l’adhésion pleine et entière du public face à ce programme pour le moins original.


Festival de Colmar 2024 © FIC - Bertrand Schmitt

Face à l’enthousiasme de la salle, Alain Altinoglu toujours à la tête de l’Orchestre symphonique de la Monnaie propose en bis le célèbre Pomp and Circumstance d’Elgar, qui sera donné le lendemain matin lors du flash mob organisé dans le cadre du festival. Une interprétation qui se conclura par une standing ovation du public.

Si les titres du programme britannique n'étaient peut-être pas les plus parlants pour un public de festival néophyte, ils ont le mérite de justement le guider vers des découvertes enivrantes et inattendues, portées avec brio par l’ensemble des artistes – incluant chaque musicien de l’orchestre remarquable présent ces deux soirées, dont l’un des altistes qui donnait là son ultime concert.

Elodie Martinez
(Colmar, le 8 juillet 2024)

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