"L'Avenir nous le dira" à Lyon : l'impressionnante Maîtrise de l'Opéra

Xl_2025_l_avenirnousledira_g___jeanlouisfernandez_30 © Jean-Louis Fernandez

Samedi était une journée chargée à Lyon : après la présentation de sa prochaine saison 2025/2026, et avant 7 Minuti le soir-même, le festival proposait une création co-commandée (avec l'Opéra national de Lorraine) pour la Maîtrise de l’Opéra de Lyon : L’Avenir nous le dira, de Diana Soh. Si les enfants et le dispositif mis en place nous ont impressionné, on ne peut malheureusement pas en dire autant de la composition.

Selon le synopsis, « pour dire, il faut un langage ». Il en va de même en musique, et c’est peut-être ce qui manque ici : l’absence d’un langage musical (accessible et compréhensible). Nous nous retrouvons pris au piège de bruits multiples, organisés, rythmés, mais sans véritable mélodie, sans musique au sens où nous l’entendons : taper sur des objets peut faire des percussions, mais n’atteint-on pas là les limites de la musicalité ? Quant au chant, il est particulièrement ardu et âpre, à l’exception du chant final, enfin harmonieux, même si tout ceci sert le discours du projet : la fabrication d’un langage, d’un oracle, l’organisation des éléments... De pièces disparates, on construit une machine qui forme un tout. Un objet unique assemblé d’objets divers, comme un chœur vit grâce à chaque individu qui le compose. Malheureusement, la « partition » ne convainc pas notre oreille qui n’entend que des sons et du bruit – chant mis à part.

L'Avenir nous le dira, Opéra de Lyon (2025) © Jean-Louis Fernandez
L'Avenir nous le dira, Opéra de Lyon (2025) © Jean-Louis Fernandez

Cela n’enlève rien à l’ingéniosité impressionnante du dispositif mis en place : une immense machine permet de produire les bruits voulus grâce à l’intervention en coulisses de la part des techniciens. Tout est millimétré, calculé à la seconde. Aucun ajustement ne semble possible ici, obligeant à une excellence de chaque instant, ne permettant au faux pas. Le décompte au-dessus de la scène marque chaque seconde des 60 minutes de la durée du spectacle, marquant la précision de l’exécution.

Si la machinerie est impressionnante, elle est également ludique avec ces différentes formes, ces toboggans, ces objets mouvants actionnés en coulisses ou par les enfants de la Maîtrise eux-mêmes – comme lorsqu’ils versent des graines afin qu’elles descendent dans un conduit pour produire un son qui s’ajoutent aux autres. Cela donne un mouvement, une vie à l’ensemble.

L'Avenir nous le dira, Opéra de Lyon (2025) © Jean-Louis Fernandez
L'Avenir nous le dira, Opéra de Lyon (2025) © Jean-Louis Fernandez

Le livret d’Emmanuelle Destremau, quant à lui, n’est pas très lisible et la note de salle, ainsi que la mise en scène d’Alice Laloy, sont les bienvenues afin d’expliquer ce « mécanisme scénique mi-machine / mi-enfant de la prédiction » qui nous emporte « dans le compte à rebours de l’existence ». On comprend ainsi sans difficulté que l’immense machine sur scène produit des enfants, d’abord dans des cartons avant que ceux-ci n’en sortent comme des poussins de leurs coquilles. L’arrivée du langage débute par des bruits de sifflets et de kazoos, avant que des mots explosent en morceaux : « Di, di, di, ve, ra, ni... » Puis les syllabes s’assemblent pour traduire « l’orage de dire ». Et toujours le temps qui menace d’arriver à son terme et oblige à avancer dans ce début qui nous est offert, ainsi que nous l’ont annoncé trois enfants avant le lever de rideau, par le biais de charades.

Déjà vient le temps des présages. Les enfants enfilent alors leurs costumes, devenant des allégories : la Ruine, le Malentendu, l’Amour, la Magie, la Folie, etc. Tous forment un joyeux micmac de poses et gestuelles selon sa nature. Mais le temps file, la prédiction est là, « dans cinq minutes, l’avenir est au placard ! » Qui a de vraies questions ? Alors arrive celle attendue : « Est-ce qu’on peut vraiment tuer le temps ? » Alors que l’on croit que c’est la fin, il reste encore trois minutes, comme le font remarquer les enfants. « Tout peut advenir en trois minutes », disent-ils justement, avant que l’un d’eux ne remarque : « C’est la durée moyenne d’une bonne chanson ». Une chanson qui sera la dernière, mais qui colmate ce « chœur-cœur » : (...) Pas de corps et toutes nos voix En une seule Et à la fois S’emmêlent ensemble Moi dans le tout Tous avec moi ».

L'Avenir nous le dira, Opéra de Lyon (2025) © Jean-Louis Fernandez
L'Avenir nous le dira, Opéra de Lyon (2025) © Jean-Louis Fernandez

Ingéniosité de la mécanique et de la mise en scène sont de grands atouts de cette production, mais le plus important de tous est cette Maîtrise de l’Opéra de Lyon dont le niveau est, là aussi, impressionnant. On leur demande beaucoup dans ce spectacle, entre les textes – difficiles à mémoriser –, le chant contemporain, le jeu, les déplacements, les gestuelles, l’enclenchement de pièces de la machine, la participation à la « musique »... Pourtant, tout est fait à la perfection par les quelque 35 enfants présents en alternance avec une autre seconde distribution. Ils insufflent leur énergie à l’œuvre dont ils forment des rouages réglés avec l’art d’une horlogerie suisse sous la direction de Louis Gal (ou Clément Brun selon les représentations).

Avec L’Avenir nous le dira, nous touchons peut-être aux limites de ce que l’on peut appeler « musique » et le livret n’est pas le plus compréhensible qui soit, mais la machinerie et la Maîtrise offrent au spectacle toute sa richesse et son attrait.

Elodie Martinez
(Villeurbanne, le 15 mars 2025)

L'Avenir nous le dira, à l'Opéra de Lyon jusqu'au 23 mars puis à l'Opéra national de Lorraine les 4 et 5 avril 2025

| Imprimer

En savoir plus

Commentaires

Loading