Le Messie dans sa version mozartienne à Saint-Etienne

Xl_img20250211223248 © Elodie Martinez

Noël n’a pas l’apanage du Messie de Haendel, comme le montre l’Opéra de Saint-Etienne qui le programmait ce mardi dans la version plus rare réalisée par Mozart à la demande du baron Gottfried van Swieten en 1789. Que l’on soit en décembre ou tout autre mois de l’année, la magie opère toujours, que cela soit à la sauce haendelienne ou mozartienne !

Car la patte du compositeur est indéniablement présente, avec notamment les vents qui prennent le rôle de basse continue, ou encore l’air de la soprano « Doch du ließest ihn im Grabe nicht » qui prend les couleurs du compositeur autrichien, de même que « Warum entbrennen die Heiden » pour ne citer que ces deux exemples. Pourtant, malgré la traduction allemande et cette « appropriation » musicale – avec aussi l’ajout d’instruments absents du Messie anglais –, le génie de Mozart réside également dans le constat qu’il ne fait pas d’ombre à Haendel. Le compositeur et l’œuvre originels sont toujours présents, on les reconnait sans mal. Le mariage est véritablement heureux !

On s’interroge cependant sur l’Ouverture conduite par Paul Agnew à la tête de l’Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire : la lenteur appuyée de l’exécution fait effectivement ressentir tout le poids de la création du monde et l’on s’inquiète pour la suite de la soirée. L’intervention des violons manquent de la vivacité que l’on attend – à moins que tout ceci ne soit lié aux intentions de Mozart ? Les modulations et les variations d’intensité sont pour leur part grandement soignées, et finalement, la peur s’envole petit à petit. L’orchestre livre ensuite un arc-en-ciel miroitant faisant ressortir tantôt les flammes du livret, tantôt son céleste, et voguant avec équilibre entre les extrémités d’un riche panel.

De même qu’à Nice en septembre dernier, Enguerrand de Hys laisse entendre une projection quelque peu renfermée, qui a tendance à ne pas prendre son envol pour s’épanouir pleinement dans la salle. Le sentiment s’améliore durant la deuxième partie de soirée, notamment dans « Du zerschlägst sie mit dem Eisenszepter », et d’autant plus que c’est à lui qu’incombe dans cette version l’air « Erwach’ zu Liedern der Wonne » (dévolu à la soprano chez Haendel). Le timbre de la voix trouve ses racines ancrées profondément dans le sol, un côté « terrestre » d’autant plus appréciable qu’on ne l’entend pas souvent chez les ténors. Le baryton Thomas Tatzl émerveille pour sa part avec une projection ample et solaire, ambrée à souhait. La noblesse du timbre brille ici dans une sorte de ténèbres ensoleillées, offrant une très belle ligne de chant.

La mezzo-soprano Anne-Lise Polchlopek est portée par une belle orchestration pour son premier air. La ligne est quelque peu nasale plus que poitrinée, et la projection n’est pas toujours homogène dans les mediums, ce qui n’empêche pas de profiter d’un beau timbre coloré, d’autant plus que cela s’améliore dans la seconde partie avec une belle résonnance dans les aigues. Enfin, si la soprano Norma Nahoun nous inquiète quelque peu en début de soirée avec une voix donnant l’impression d’être légèrement « enrayée », celle-ci s’ouvre petit-à-petit pour que le chant se libère finalement et vole avec grâce. Les rayons de ce soleil mélodique transperce ainsi les nuages et brille avec éclat jusqu’à la fin de la soirée.

Tout le monde le sait cependant : si les quatre solistes sont importants, le chœur demeure le « soliste » principal pour cette partition. Préparé par Laurent Touche, le Choeur Lyrique Saint-Étienne Loire n’est pas très homogène : on s’attend parfois à davantage de puissance, s’inquiétant pour la suite, alors qu’il parvient à briller dans d’autres passages, les deux plus attendus étant le « Halleluja » et « l’Amen ». La prononciation manque globalement d’union et de netteté, mais malgré cela, il offre une soirée globalement prenante et agréable.

Si au final, ce Messie version Mozart s’avère quelque peu inégal sur l’ensemble de la soirée, elle n’en demeure pas moins réussie : les quelques bémols sont balayés au profit des moments uniques qu’offre cette œuvre que l’on savoure toujours autant. Le public fait un véritable triomphe de longues minutes, demandeur d’un bis comme il n’est pas étonnant d’en avoir avec cette partition, mais il devra finalement se contenter des (nombreux) saluts et du souvenir de la soirée sans autre « Halleluja » ni « Amen ».

Elodie Martinez
(Saint-Etienne le 11 février 2025)

Le Messie, à l'Opéra de Saint-Etienne le 11 février 2025.

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