Anna Netrebko est Tosca aux Arènes de Vérone : du grand spectacle pour une distribution de stars

Xl_tosca_festival-des-arenes-de-verone_2024_anna-netrebko © Fondazione Arena di Verona

Les productions données sur la vaste scène antique des Arènes de Vérone, datant du 1er siècle de notre ère, ont vocation à être spectaculaires. Sous l'égide de l'intendante Cecilie Gasdia, ces mêmes productions revendiquent aussi une belle qualité musicale, notamment grâce à des distributions d’envergure. Pour cette édition 2024, année des commémorations du centenaire de la disparition de Puccini, le Festival des Arènes de Vérone donne une série de représentations de Tosca dans la reprise de la mise en scène de Hugo de Ana créée de 2006, ici défendue par une distribution de stars.

Hugo de Ana a conçu les décors et les costumes de la production, en plus de signer les éclairages et la mise en scène. Surplombant le Château Saint-Ange du troisième acte, un gigantesque Archange Michel trône en fond de scène, dont la tête et les mains sont les éléments centraux d’un décor monumental. Quelques accessoires s’y ajoutent, de larges buffets et des chandeliers permettent de suggérer l’église Sant’Andrea della Valle du premier acte ou le Pallazzo Farnese du deuxième. En fond de scène, un plan incliné révèle efficacement les membres du grand chœur de la Fondazione Arena di Verona, figurant ici des dignitaires ecclésiastiques aux voix puissantes. Au troisième acte, on assiste à une exécution à grand renfort de tirs de cartouches, alors que l’héroïne disparait vers les cieux, au travers de la tête de l’archange – sans le saut dans le Tibre de Tosca prévu dans le livret, bien que la scène soit réputée pour faire de l’effet.

Très bien préparés, les membres du chœur du festival animent les scènes de foule à la fin du premier acte, tout en emplissant l’arène de leur voix pleines. Leurs costumes sont en adéquation avec le contexte historique de l’action se déroulant pendant les guerres napoléoniennes. Les éléments de décors sont aussi souvent surdimensionnés : ici une croix, là des chandeliers, de même pour le tableau sur lequel le peintre Mario Cavaradossi travaille. Il y a de la vie en permanence sur la scène des Arènes et l’espace est perpétuellement occupé – alors même que l’ouvrage ne traite au fond que de la relation de trois personnages à laquelle personne ne survit.

Dans l’opéra de Puccini, la cantatrice Floria Tosca aime le peintre Cavaradossi tout en étant convoitée par l’infâme Scarpia. Pour sauver son amant, Tosca feint de se donner au terrible chef de la police qui lui promet (faussement) que l’exécution de Mario ne sera qu’un simulacre. Tosca poignardera Scarpia avant de se tuer elle-même en se jetant dans le Tibre pour échapper aux accusations de meurtre.

À la tête du grand orchestre de la Fondazione Arena di Verona, Daniel Oren renforce la tension de l’intrigue et parvient à la rendre d’autant plus émouvante. Le chef d’orchestre œuvre depuis de nombreuses années dans la fosse des Arènes et sait parfaitement gérer les conditions spatiales et acoustiques du théâtre antique. Manifestement sûr de lui, il lève les bras dès le début de la soirée et salue chaleureusement le public. Son tempo est vif et précis, mais il sait l’adapter au chant : il accompagne les stars de la scène de ses piani délicats. Et fort de cet accompagnement attentif, ces stars se révèlent tout à fait convaincantes tant par leur chant que par leur interprétation théâtrale.

Le rôle-titre de l’artiste amoureuse et combative semble taillé sur mesure pour Anna Netrebko. Elle intériorise les émotions de Floria Tosca dans une interprétation aussi touchante que convaincante. Avec son soprano à la fois chaud et plus sombre avec les années, sa voix restitue une palette d’émotions toutes en nuances. Elle évolue sans peine dans les aigus et ses graves relèvent d’une mystique transfigurée. Yusif Eyvazov est à nouveau son partenaire sur scène et, dans le rôle de Mario, il gagne en puissance d'expression et en nuances vocales au fil de la soirée. Son ténor puissant aux aigus sûrs remplit aisément l'arène. Dans le duo, la complicité des deux interprètent se déploie harmonieusement. Luca Salsi, dans le rôle de l’infâme Scarpia, s'immisce avec malice et perfidie dans leur relation, attise avec plaisir la jalousie pour mieux imposer sa domination à l'honorable héroïne. Les couleurs de son riche baryton restituent ses froides machinations, sa volonté d’emprise et son désir de convoitise qu'il met en œuvre avec une grande violence. Dans les rôles secondaires, Gabriele Sagona (Angelotti) et Giulio Mastrototaro (Messner) apportent également toute satisfaction.

Au terme de la soirée, un grand enthousiasme emporte le public dans une arène comble, écrasée par les températures estivales.

traduction libre de la chronique en allemand de Helmut Pitsch
Vérone, 16 août 2024

Tosca au Festival des Arènes de Vérone 2024, du 2 au 30 août 2024

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