Une petite église de pierres sur une colline, une ruelle étroite bordée de maisons modestes, le décor d'un village du sud de l'Italie à la fois pittoresque et naturaliste. Jean-Pierre Ponnelle a imaginé cette scénographie voici 39 ans, tout comme les costumes traditionnels des protagonistes. Sa mise en scène du diptyque Cavalleria rusticana / Pagliacci est très classique mais se révèle d’une étonnante inventivité. Aujourd’hui, la production est reprise par l'Opéra dEtat de Vienne, défendue par une distribution de super stars.
On retrouve une nouvelle fois Elina Garanca dans le rôle de Santuzza. La mezzo-soprano lettone y déploie un talent opératique à la fois captivant et délicieusement raffiné. Elle incarne une jeune femme triste et inquiète, qui erre sur scène dès les premières notes de la représentation et qui y est ensuite omniprésente. Elle se sait trompée par Turiddu, elle en souffre désespérément... et c’est un enchantement quand la chanteuse l’exprime de son luxueux mezzo-soprano mordoré : on ne peut qu’être incroyablement touché par ses envolées dramatiques, alternant avec un phrasé d’une infinie délicatesse. Dans le Cavalleria rusticana de Pietro Mascagni, elle est incontestablement la star de la soirée.
En principe, Jonathan Tetelman devait se tenir à ses côtés pour faire ses premiers pas (attendus de longue date) sur la scène de l’Opéra de Vienne. Il a été contraint de les reporter à cause d’une mauvaise trachéite. C’est finalement l'Arménien Arsen Soghomonyan qui le remplace dans le rôle de Turiddu. Il interprète sa partie avec un ténor modeste, mais joliment coloré et des aigus assurés. Adam Plachetka fait un Alfio très dominateur, qui ne brille pas uniquement dans son air de bravoure. À leurs côtés, Anita Monserrat, membre de l’Opera Studio, donne à voir une très jeune Lola, très talentueuse. Enfin, Elena Zaremba est solide dans son interprétation de Mama Lucia, mais on pourrait regretter une présence scénique limitée.
Dans le deuxième opéra du diptyque, Pagliacci de Ruggero Leoncavallo, une autre star domine l'action : Jonas Kaufmann emporte tous les suffrages dans le rôle de Canio, non seulement grâce des aigus superbes, mais aussi du fait de son intense théâtralité. Même dans son grand air « Ridi Pagliaccio », le ténor allemand ne montre aucun signe de fatigue. Signalons qu’il chante également le prologue de l’ouvrage en lieu et place de Tonio en costume de clown, dans un merveilleux baryton.
Maria Agresta séduit tout autant en Nedda, à la fois charmante et empreinte de légèreté. De retour dans ce second ouvrage, Adam Plachetka est un géant dans le rôle de Tonio, défendu avec son baryton puissant. Jörg Schneider offre également une très belle projection dans le rôle de Beppe. Stefan Astakhov se révèle tout aussi solide dans le rôle de Silvio, l'amant de Nedda. Préparé par Thomas Lang, le chœur de l'Opéra d'État de Vienne est à la fois très sollicité et enthousiaste pour chanter les deux opéras, et allie puissance et homogénéité tout au long de la soirée.
À la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Vienne, le très agile Nicola Luisotti obtient des musiciens une multitude de sentiments différents, tous parfaitement reconnaissables. Le maestro italien pourrait néanmoins faire preuve d’un peu plus de passion.
Au terme de la représentation, le public réserve un tonnerre d’applaudissements aux artistes, qui redoublent d’autant plus quand les stars de la soirée viennent saluer.
traduction libre de la chronique en allemand de Helmut Mayer
Vienne, 15 janvier 2025
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