Festspiel-Liederabend : la star Jakub Józef Orliński déchaîne le public du Théâtre du Prince-Régent de Munich

Xl_jakub-jozef-orlinski_theatre-du-prince-regent-munich-2024 © Wilfried Hösl

Dès l'entrée dans la vénérable salle de concert munichoise, toute éclairée de rouge comme pour en définir l’ambiance, on perçoit l’exaltation du public. Elle s’exprime rapidement via les chaleureusement acclamations et le concert de sifflets enthousiastes qui accueillent l’entrée la jeune star populaire, le contre-ténor polonais Jakub Józef Orliński, avec son pianiste accompagnateur, le Polonais Michał Biel. Les deux artistes sont visiblement émus, et, sous le coup de l'émotion, s'inclinent tous deux profondément. Le contre-ténor a acquis une solide popularité grâce à son talent, son excellente technique et sa maîtrise de la voix, mais aussi grâce à son extraordinaire présence sur scène, et l’enthousiasme de la salle est communicatif.

Ses apparitions sur scène sont souvent mémorables, et on se souvient de son Athamas sur cette même scène dans Semele de Georg Friedrich Haendel, lors de la dernière saison du festival. Le jeune artiste hors du commun est aussi connu pour ses prouesses sportives : il avait alors enthousiasmé le public avec un intermède de break dance. Certains spectateurs de cette soirée de Lieder l’encouragent manifestement à réitérer, il se contentera de quelques pas de danse, sans salto ni sauts acrobatiques – et c’est tant mieux car ce soir, toute la virtuosité était déjà dans la musique.

La soirée débute par le répertoire baroque avec le très bel aria du Pécheur repenti, extrait de l'oratorio de La Passion de Johann Josef Fux. Ensuite, Jakub Józef Orliński modifie le programme initial à la dernière minute et enchaîne immédiatement avec  les quatre œuvres annoncées d'Henry Purcell, afin de poursuivre harmonieusement la thématique baroque. Le contre-ténor sait créer une connivence avec le public de façon très personnelle, voire amicale. À plusieurs reprises, il sourit malicieusement aux premiers rangs, la présence solaire du sympathique chanteur à la chevelure bouclée – et la réponse du public qu’il obtient – sont comparables à celle d’une pop-star.

Sa voix ductile et son timbre particulièrement velouté pour un contre-ténor sont très reconnaissables. Sa voix de tête est incroyablement agile, ses intonations sont claires jusque dans les aigus, et elle déploie une profondeur chaleureuse. Les coloratures glissent avec une souplesse cristalline et sa capacité de projection semble illimitée. Il utilise ces atouts avec une nuance remarquable dans les pièces baroques.

De façon intéressante, il choisit d’enchainer avec des chansons de compositeurs polonais très peu connus. Les trois chansons d'Henryk Czyz (1923-2003) dévoilent des compositions élégiaques et mélodieuses, sur la base de partitions offrant aux interprètes l’occasion d’illustrer tout leur talent. Elles sont à la fois romantiques et touchantes, avec une coloration mélancolique. Jakub Józef Orliński, qui a transcrit les Lieder pour une tessiture de contre-ténor, fait ici la démonstration des capacités de sa voix. Sans artifices vocaux, mais avec beaucoup d'expression, d'émotion et de douceur, il sait comment toucher le public, même avec ces raretés. Il exploite aussi au mieux les chansons de ses compatriotes Mieczyslaw Karliwixz (1876-1909) et Stanislaw Moniuszko (1819-1872) pour illustrer le vaste potentiel de son contre-ténor. En fin de récital, il revient à son répertoire de prédilection, le baroque : c’est avec l’Hallelujah, Amen! de Georg Friedrich Haendel qu’il conclut la soirée avec brio.

L'accompagnement artistique et émotionnel du pianiste Michał Biel, qui sait parfaitement s'adapter aux espaces de liberté du chanteur, offre le même niveau d’excellence de la soirée. Dans une salle comble du Théâtre du Prince-Régent, l'enthousiasme est à son paroxysme et le public réclame de nombreux rappels aux deux artistes – qui les leur accordent, la plupart du temps avec des airs d'Henry Purcell. L'atmosphère chaleureuse et décontractée de la soirée, ainsi que la popularité évidente de Jakub Józef Orliński marquent manifestement une évolution prometteuse dans la vie musicale classique.

traduction libre de la chronique en allemand de Helmut Pitsch
Munich, 18 juillet 2024

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