Après que les plus grands noms du monde lyrique se sont succédé à la 35ème édition du Festival Castell Peralada (Jonas Kaufmann, Benjamin Bernheim, Sondra Radvanovski…), la prestigieuse manifestation catalane s’est achevée, le 1er août, par un Gala lyrique mettant à l’affiche le magnifique ténor mexicain Javier Camarena. Si, trois étés plus tôt, il avait dû se contenter de la petite Iglesia del Carmen et d’un accompagnement au piano, c’est cette fois au grand Auditorium du château et avec rien moins que le flamboyant Orchestre Symphonique du Gran Teatre del Liceu (dirigé par l’excellent chef italien Riccardo Frizza) qu’il a eu l’honneur de se produire ! Une phalange qu’il venait juste de quitter puisqu’il chantait encore le rôle d’Edgardo dans Lucia di Lammermoor dans le temple lyrique barcelonais quelques jours plus tôt (lire le compte-rendu en anglais de notre confrère Xavier Pujol).
Malgré des conditions climatiques incertaines qui ont fait trembler à plusieurs moments les organiseurs comme le public, le concert s’est finalement déroulé à peu près normalement, et sans les micros qui, deux jours plus tôt, étaient de mise pour amplifier la voix des chanteurs dans Orlando de Haendel. Dans un espace aussi ouvert et vaste, ce n’est pas le moindre des mérites du chanteur d’avoir su suffisamment projeter sa voix pour atteindre les spectateurs des derniers rangs.
Délaissant peu à peu Rossini pour s’aventurer vers d’autres horizons, Javier Camarena débute son concert par des airs tirés d’opéras français. Après une exécution de l’Ouverture de Lakmé de Leo Delibes, dans laquelle la petite harmonie se fait remarquer, c’est à l’air « Prendre le dessin d’un bijou » qu’il s’attaque, avec une diction de notre idiome qu’il faudra une nouvelle fois saluer, et un raffinement et une suavité dans la ligne qui donnent le frisson. La Romance de Nadir « Je crois entendre encore » (extrait des Pêcheurs de perles) confirme que dans ce répertoire il n’a que peu d’égal, et s’avère un moment de pure extase musicale : avec une incroyable facilité, il reprend la tradition bien établie d’en chanter les dernières strophes, mais dans une version inhabituelle cependant, qui arrache ici des vivats aux auditeurs. Il poursuit avec deux airs tirés d’ouvrage de Donizetti, le « Com’è gentil » dans Don Pasquale et un plus rare, « Non può il cor, non può la mente » extrait de Betly, ossia la capanna svizzera, dans lesquels il faudra louer autant la pureté du chant du Mexicain que l’homogénéité sans faille d’un Chœur du Gran Teatre del Liceu se présentant ce soir sous son meilleur jour. Après le français et l’italien, Javier Camarena poursuit avec l’allemand et un rôle qu’il abordera pour la première fois la saison prochaine au Liceu, celui de Tamino dans La Flûte Enchantée. En plus du fameux air de Tamino « Die bildnis », il interprète également l’air « Ich baue ganz auf meine Stärke… » dans L'Enlèvement au Sérail avec une clarté de timbre et d’élocution à faire fondre les cœurs… Le célébrissime « Che gelida manina » (La Bohème) qui suit vient cependant confirmer que des emplois plus lourds sont tout aussi bien à sa portée que les parties élégiaques, et sa puissance vocale autant que ses aigus tout en souplesse y font merveille. Il termine la soirée par son cheval de bataille qu’est l’air « A mes amis, quel jour de fête ! » tiré de La Fille du régiment de Donizetti, comme il l’avait notamment fait lors de son récital monégasque en janvier dernier, et met le public en délire… comme toujours ! Il lui offre deux bis, d’abord « La donna è mobile », puis la chanson mexicaine « Contigo en la distancia » qu'il dédie à sa femme et à ses enfants... présents parmi les spectateurs !
Récital de Javier Camarena en clôture du 35ème Festival Castell Peralada, le 1er août 2021
Crédit photographique © Miquel Gonzalez
06 août 2021 | Imprimer
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