Kunde et Siri ovationnés dans Manon Lescaut à l'Opéra des Nations de Genève

Xl_manon © Emmanuel Andrieu

Tandis que le Théâtre des Champs-Elysées, à Paris, accueillait récemment le Chœur et l’Orchestre de l’Opéra de Bavière pour une exécution concertante d’Andrea Chénier d’Umberto Giordano, l’Opéra des Nations de Genève ouvrait ses portes à ceux du Teatro Regio de Turin, pour une version de concert de Manon Lescaut de Giacomo Puccini (tandis que les opéras sont donnés en version scénique au même moment dans les villes d’origine). Le principal artisan de la réussite de la soirée est le chef italien Gianandrea Noseda, directeur musical de la phalange turinoise depuis une décennie, qui sortira exsangue à chaque fin d’acte, comme s'il jouait ici sa propre vie. Son approche de Puccini trouve le parfait équilibre entre une pulsion rythmique plutôt rapide, et quelques divins alanguissements qui permettent aux merveilleux instrumentistes d’étendre un tapis rutilant sous les mélodies confiées aux voix des solistes qui, de leur côté, donnent alors un maximum d’intensité à un chant riche d’éclats voluptueux.

Attentive au poids de chaque note et de chaque mot, capable de jeter un éclairage nouveau sur des répliques comme « Voler del padre mio » ou « Una fanciulla povera son io » au I, la jeune soprano uruguayenne Maria José Siri – intense Amelia (Un Ballo in maschera) à La Monnaie de Bruxelles il y a deux ans – maîtrise à la perfection la conversation en musique du II, sa technique lui permettant par ailleurs de chanter d’un seul souffle la première phrase de « In quelle trine morbide ». Quant au célèbre et bouleversant air conclusif « Sola, perduta, abandonata », il est délivré avec les ressources d’une technique et d’une sensibilité exceptionnelles qui soulèvent l’enthousiasme du public. Son partenaire, le vétéran – et véritable force de la nature - Gregory Kunde se situe sur les mêmes hauteurs. A 63 ans, le génial ténor américain – vibrant Otello au festival de Castell Peralada à l'été 2015 – chante un Des Grieux d’un étonnant calibre : la voix est tout simplement idéale pour donner corps à la musique de Puccini sans la faire sombrer dans un registre pathétique excessif. Dans les nuances, le timbre garde son étoffe à la fois solide et vibrante : les passages caressés à mi-voix passent ainsi sans peine la rampe de l’orchestre, placé pourtant juste derrière lui, tandis que le chant ne sature jamais, même au sommet de sa puissance. Tous deux reçoivent une ovation particulièrement nourrie (et justement méritée) au moment des saluts, et nous languissons de les retrouver dans Andrea Chénier le mois prochain à l'Opéra de Rome.

Le reste de la distribution apporte une contribution efficace : le baryton slovaque Dalibor Jenis campe un Lescaut plein de brio, l’italien Carlo Lepore un Geronte dans le droit fil de la tradition et Francesco Marsiglia un inquiétant Edmondo. Les personnages plus épisodiques tirent tous leur épingle du jeu, alors que le Chœur du Teatro Regio, excellement préparé par Claudio Fenoglio, s’avère particulièrement brillant dans le final du troisième acte, qu’il concourt à transformer en grand moment d’émotion, grâce à son incroyable aplomb vocal.

Emmanuel Andrieu

Manon Lescaut de Giacomo Puccini à l’Opéra des Nations de Genève, le 30 mars 2017

Crédit photographique © Emmanuel Andrieu
 

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