Pour les fêtes de fin d'années, l'Opéra Grand Avignon remonte une production de La Belle Hélène d'Offenbach, vieille de plus de trente ans et signée par Jérôme Savary, le célèbre homme de théâtre décédé l'an passé auquel Raymond Duffaut, en vieux compagnon de route, a voulu rendre hommage.
Si les gags de la mise en scène sentent un peu le réchauffé, on doit bien avouer – pour avoir vu un certain nombre de ses productions – que ce spectacle est l'une des grandes réussites de Jérôme Savary. Le décor est ici simplifié, alors que les costumes à l'ancienne trouvent le juste milieu entre le dévergondage à la Magic Circus et la parodie d'un prologue estudiantin. Les spectateurs rient de bon cœur, mais tardent à atteindre ce degré de délire collectif que la vaine agitation des danseurs et figurants essaie de susciter par son activisme incessant.
Tous les chanteurs-acteurs réunis par Raymond Duffaut sont dignes de la verve offenbachienne, mais rendent d'abord justice au chant et à la musique. Ainsi, Lionel Peintre campe un Calchas inénarrable de fantaisie et de faux sérieux tandis que Marc Barrard incarne un Agamemnon imposant de truculence. Après nous avoir grandement séduit à Lyon dans le rôle d'Isolier (Le Comte Ory) la saison dernière, la mezzo alsacienne Antoinette Dennefeld s'avère épatante de brio dans le travesti d'Oreste, comme dans ses couplets qui lui vont comme un gant. Égal à lui-même, Jean-Claude Calon donne une leçon de style, d'élégance et de diction, avec un Ménélas d'un poilant ridicule. Tous les comparses, Achille (Philippe Ermelier) ou les deux Ajax (Franck Licari et Virgile Frannais), sont à l'avenant.
Le jeune et talentueux Stanislas de Barbeyrac – qui nous a accordé une Interview – est un Pâris éclatant de santé vocale, avec un aigu facile (les fameux « Évohé ! ») et un physique idéal pour cet emploi de « beau gosse ». Enfin, la mezzo nantaise Julie Robard-Gendre - plusieurs fois applaudie par nous sur la scène de sa ville natale - mène le jeu, avec la distanciation qui s'impose entre son personnage réel et l'Hélène rêvée : son charme, son élégance et sa musicalité font tout simplement mouche dans ce rôle.
Grand spécialiste des lieux comme de ce répertoire, le chef français Dominique Trottein – placé à la tête de l'Orchestre Régional Avignon-Provence - ne recule devant aucun effet brutal de changement de rythme ou de contraste pour rendre son commentaire orchestral explicite. La netteté de l'articulation jette une lumière crue sur l'originalité des trouvailles rythmiques d'Offenbach alors que l'équilibre des voix donne un maximum d'efficacité aux effets d'instrumentation irrévérencieux, comme dans la parodie du trio rossinien de Guillaume Tell, par exemple. Enfin, la sûreté de la pulsation rythmique, malgré de nombreuses ruptures, imprime aux trois actes un rythme alerte, d'une bouffonnerie débridée, qui laisse cependant, de temps en temps, percer de brusques (mais brefs) accès de mélancolie.
La Belle Hélène à l'Opéra Grand Avignon – Jusqu'au 31 décembre 2014
Crédit photographique © Cédric Delestrade
30 décembre 2014 | Imprimer
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