Victorieuse du Concours Operalia en 2015, la soprano norvégienne Lise Davidsen a depuis connu une carrière flamboyante, à l’image de sa voix, d’une richesse et d’une puissance hors du commun. Après avoir dû annuler sa participation (à cause du Covid) à l’édition 2021 du Festival Castell de Peralada, elle répond bien présente à la mouture 2022, quand bien même obligée de faire un aller-retour depuis le Festival de Bayreuth dans lequel elle ne chante dans pas moins que deux productions (Tannhaüser et Die Walküre) !
Plus encore que pour le récital de Sonya Yoncheva, deux jours plus tôt, la petite Iglesia del Carmen s’avère un lieu problématique tant la réverbération de cette immense voix sous les voûtes de l’édifice religieux en réduit finalement (et contradictoirement) l’impact. D’autant que la soirée débute fort, avec l'air fétiche de Lise Davidsen, celui qui lui a permis de remporter le mythique concours de Placido Domingo et qui figure en première place sur son premier récital discographique paru en 2018 chez Decca, l’air d’entrée d’Elisabeth dans Tannhaüser, un « Dich teure Halle » qui dévoile d’emblée toutes les qualités de la voix : ronde, puissante, veloutée, homogène et d’un rayonnement irrésistible dans l’aigu. Le reste du programme se partage entre Lieder (Brahms, Strauss et Grieg) entrecoupés par des airs d’opéras du répertoire allemand et italien, tandis que la pianiste française Sophie Raynaud l’y accompagne avec talent et précision. Et c’est merveille de constater comment cette voix immense est capable de se plier à cet art si subtil et ténu du Lied, comme dans le « Auf del Kirchote » de Brahms ou le sublime « Morgen ! » de Strauss, où la cantatrice subjugue l’audience par la souplesse et la ductilité du timbre, son art de la diction autant que la densité musicale qu’elle injecte dans chacune de ces deux pièces. Celles de son compatriote Edvard Grieg sont délivrées amoureusement, et l’on en savoure de manière tout extatique le romantisme fragile. Mais l’on n’en goûte pas moins ses aigus glorieux dans le forte dans les airs d’opéras, comme ceux qui émaillent l’air extrait de La Walkyrie « Du bist der Lenz » ou de Macbeth de Verdi « Vieni t’affreta ». Mais on se pâme, encore plus et enfin, devant l’émotion que cette immense artiste sait conférer à l’« Ave Maria » tiré de l’Otello de Verdi, détaillé pianissimo et délivré sur le souffle, tandis que le plus joyeux « Summertime » de Gershwin vient clore le concert.
Devant les effusions d’un public enthousiaste et debout, elle délivre deux bis : le célébrissime « Vissi d’arte » de Tosca et une autre Mélodie d’Edvard Grieg, Letzter Frühling (Dernier Printemps), qui suspend à nouveau le temps et est suivi par un silence qui en dit long tant sur la qualité d’écoute que d’émotion du public catalan.
Récital de Lise Davidsen au Festival Castell de Peralada, le 4 août 2022
Crédit photographique © Tito Ferrer
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